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La musique manque-t-elle toujours plus de variété ? 1re partie : les paroles
par David Lee
Est-il scientifiquement prouvé que plus les chansons restent dans les charts, plus elles ont l'air identiques ? La troisième partie de la série apporte enfin des réponses claires.
La musique grand public devient-elle toujours plus monotone ? Beaucoup répondent « Oui ! » sans hésitation. Mais comment le prouver objectivement, pour que je sache que ce n'est pas mon impression personnelle, mais un fait réel ?
J'essaie de répondre à cette question avec une série de plusieurs articles. La première partie traite des paroles de chansons. La deuxième partie s'intéresse à la structure harmonique, c'est-à-dire aux séquences d'accords.
Les deux articles n'ont pas permis de répondre clairement à la question. Ils indiquent cependant tous les deux une nette tendance à la répétition. Mais cela ne peut être prouvé que pour les paroles. On ne sait pas si l'ensemble des paroles se ressemblera toujours plus.
Les accords donnent encore moins d'informations. Les accords déterminés automatiquement sont souvent faux ou sonnent bizarrement. Examiner les structures d'accords à la main prend beaucoup de temps. Je ne connais qu'une seule étude qui l'a fait. Elle ne fait toutefois aucune comparaison historique et analyse relativement peu de chansons.
J'ai donc cherché d'autres critères et études permettant de mesurer la diversité des chansons. Et j'ai trouvé.
Un autre critère pour mesurer la diversité des chansons est leur timbre. Ce dernier est en grande partie déterminé par les instruments utilisés. Par exemple, il y a le son typique des années 80 qui résulte de l'utilisation excessive de synthétiseurs. Souvent, la basse et la batterie sont également reprises par des synthétiseurs, avec beaucoup de résonance artificielle.
Une étude analyse le timbre. Le Million Song Dataset sert de base de données – une collection de données avec des informations sur un million de chansons qui peut être téléchargée gratuitement. Environ la moitié de ces chansons ne sont pas datées et ne peuvent donc pas être utilisées pour l'enquête. Après déduction des doublons, des entrées incomplètes et des entrées antérieures à 1955, il reste 464 411 enregistrements sortis entre 1955 et 2010.
Le résultat de cette étude est clair : entre 1955 et 1965, il y a eu une augmentation de la variété des timbres, suivie d'un déclin continu.
La même étude est également consacrée au développement du volume sonore (loudness en anglais). Vous avez sûrement remarqué que l'intensité sonore de différents albums peut différer en fonction de l'enregistrement. Bien que les excursions les plus hautes soient toujours à peu près les mêmes, ce qui se passe "en bas" est très différent. La compression audio peut être utilisée pour réduire les excursions les plus fortes tout en augmentant les plus silencieuses. Cela permet d'augmenter massivement le volume global sans surcharger les pointes.
Et le scénario est le même depuis des décennies. Il est donc relativement facile à analyser et il y a donc de nombreuses preuves.
Qu'est-ce que tout ça a à voir avec la diversité ? Eh bien, si chaque morceau de musique a toujours le même volume sonore, le paysage musical devient inévitablement plus monotone. Il n'y a pas de dynamique, pas d'alternance entre fort et moins fort. Néanmoins, les producteurs poussent toujours le volume à la limite et parfois même au-delà. Parce que ce qui sonne fort est perçu comme plus attrayant. Les morceaux à très haute dynamique sont également peu pratiques comme musique de fond ou dans des environnements bruyants tels que les voitures. Parce que les parties plus douces sont à peine audibles. À moins que vous ne mettiez le volume à fond...
Enfin, l'étude traite également du « pitch », qui signifie hauteur de note en français. Si l'on prend toutes les hauteurs de note jouées en même temps, il est possible de déterminer les accords. La hauteur de note fait donc à la fois référence aux mélodies et aux harmonies sous-jacentes.
Les chercheurs ont constaté qu'il y a une tendance vers des transitions moins nombreuses et moins fréquentes que par le passé. En bref : les morceaux ont tendance à avoir toujours les mêmes mélodies et les mêmes harmonies.
Le « Millennial Whoop » est un exemple de séquence de sons qui revient toujours et partout. Il s'agit d'une mélodie super simple composée de seulement deux notes – les troisième et cinquième notes d'une gamme majeure. Ce passage n'a généralement pas de texte, à part des « oh-ah » ou quelque chose du genre. C'est la même mélodie que le « Olé olé » qu'on entend dans les stades de foot, sauf que le « Millennial Whoop » commence généralement par le son le plus aigu.
Dans cette vidéo, à la minute 1:05, Katy Perry maîtrise parfaitement le « Millennial Whoop ».
Le terme Milliennial Whoop a été inventé par Patrick Metzger dans son blog. Avec l'aide de ses lecteurs, il a ajouté une liste impressionnante d'exemples à la fin.
Voici une chanson qui n'est en réalité qu'un mixe de Millennial Whoops.
Il y a une autre étude qui compare automatiquement un grand nombre de chansons. Et sa méthode semble prometteuse : Spotify l'utilise pour suggérer des chansons du même genre aux utilisateurs.
La startup « The Echo Nest » a développé une méthode qui analyse automatiquement les chansons selon huit critères qui, ensemble, décrivent le son d'une chanson. Echo Nest a été racheté par Spotify en 2014. Les critères sont :
Ensemble, ces huit critères permettent de déterminer à quel point deux chansons se ressemblent. Comme EchoNest ne garde pas ces données secrètes, Andrew Thompson et Matt Daniels ont pu examiner le top 100 des charts américains de 1958 à 2016. Résultat : jusqu'en 1981, la diversité des 500 chansons les plus célèbres reste à peu près la même, puis elle diminue pendant 10 ans. Entre 1992 et 1996, la diversité a encore une fois augmenté, mais n'a cessé de décliner depuis. Surtout entre 2012 et 2016.
Mais cela ne veut pas dire qu'aujourd'hui, tout se ressemble et que tout était différent dans le passé. Parce qu'il y a toujours eu des hits numéro 1 très similaires, mais aussi très différents. Du moins d'après le calcul d'EchoNest.
Les deux hits numéro 1 qui se ressemblaient le plus datent de la phase la plus ancienne, entre 1958 et 1961 :
Les deux tubes numéro 1 de 2007 et 2011 sont quant à eux très différents :
Les études citées dans cet article montrent clairement que les charts musicales deviennent de plus en plus uniformes. Cela ne veut pas dire que la musique devient plus monotone, mais c'est vrai que les titres à succès se ressemblent de plus en plus.
La prochaine partie de cette série devrait être la plus excitante parce qu'elle explique pourquoi.
Si vous ne voulez manquer aucun de mes articles, suivez-moi ! Et voici à nouveau le lien vers la playlist de Spotify avec tous les exemples de chansons de cette série d'articles.
Photo titre : « 10,000 Hours » de Dan + Shay/Justin BieberMon intéret pour l'informatique et l'écriture m'a mené relativement tôt (2000) au journalisme technique. Comment utiliser la technologie sans se faire soi-même utiliser m'intéresse. Dans mon temps libre, j'aime faire de la musique où je compense mon talent moyen avec une passion immense.