
Critique
"Atomfall" à l'essai : un concept passionnant, une réalisation cahoteuse
par Philipp Rüegg
« Void Sails » s’apparente à un mélange de « The Legend of Zelda : The Wind Waker » et du mythe de Cthulhu. Il n’est pas aussi aventureux, mais il promet un voyage agréable de quelques heures à bord d’un navire volant dans un monde magique.
Les jours de pluie, j’aime m’installer confortablement pour lire en savourant un thé. Quand j’ai lancé Void Sails pour la première fois sur mon PC, je ne m’attendais pas à ce que le jeu me procure la même sensation, mais c’est pourtant le cas. Void Sails est comme un livre dont vous êtes le héros, mais sous forme de jeu vidéo.
Ces livres (d’aventures) sont un type de roman qui ne se lit habituellement pas du début à la fin de manière linéaire. Au contraire, quand vous prenez une décision, le livre vous renvoie à un numéro de page où l’histoire se poursuit en fonction du choix effectué. Il s’agit le plus souvent de surmonter un obstacle, de trouver un trésor disparu ou de s’échapper d’un hôtel. Selon la décision prise, on risque de mourir à cause d’un enchaînement d’événements malheureux et il faut recommencer du début. Void Sails n’est pas aussi impitoyable, même si là aussi je dois régulièrement faire des choix qui pèsent ensuite sur le déroulement de l’histoire.
Dans la préversion de Void Sails, je me glisse dans la peau d’un « Captain » anonyme qui cherche son père. Ce dernier n’est pas rentré chez lui après une expédition. J’embarque donc sur un navire qui ne traverse pas l’océan, mais l’espace.
La prudence est de mise. L’Inquisition chargée de maintenir l’ordre est partout. En effet, de mystérieux cultes avec une prédilection pour les rituels occultes surgissent dans tous les coins de cet univers.
Je suis confrontée à un choix récurrent au cours de l’histoire : est-ce que je procède moi-même à un rituel douteux pour sauver mon père ou est-ce que je respecte la loi et les instances officielles ? Je ne sais jamais à qui je peux faire confiance. L’Inquisition sévit d’une main de fer, mais je n’aime pas non plus le charmant « Homme en jaune », qui se propose de m’aider au début. Comme je connais déjà très bien le mythe de Cthulhu, je peux imaginer à quel genre de personnage je dois m’attendre : pas un bon samaritain en tout cas.
Ce sont les conditions parfaites pour une aventure lovecraftienne digne de Cthulhu : les histoires dans lesquelles les protagonistes sombrent habituellement dans la folie parce qu’ils sont confrontés à une vérité désagréable ou à des extraterrestres tout puissants que le cerveau humain est incapable d’appréhender. Les Dieux très anciens de World of Warcraft, le Monstre de l’Ombre de Stranger Things ou la totalité du jeu Bloodborne de FromSoftware ne sont que quelques exemples qui s’en inspirent.
Une particularité du mythe de Cthulhu est que tous ses contenus ne sont pas nés sous la plume de son créateur controversé H. P. Lovecraft. L’auteur, qui n’est jamais devenu riche ni célèbre de son vivant, a côtoyé de nombreux autres artistes qui ont étoffé son univers de leurs propres histoires. C’est de là que vient par exemple l’inspiration du Roi en jaune de l’écrivain Robert W. Chambers.
Void Sails est visiblement influencé par le mythe de Cthulhu, mais ne cherche pas à l’explorer dans ses méandres les plus obscurs. Je n’en attends de toute façon pas tant d’une histoire à choix multiples. Les contenus disponibles fournissent suffisamment de matière pour rendre l’intrigue intéressante et la faire avancer de manière stimulante.
La comparaison avec un livre à choix multiple s’explique par le fait que pendant l’intrigue, que je découvre sous forme de texte, je prends des décisions qui influent sur la fin de Void Sails. On me demande de choisir entre la réponse A ou la réponse B. Je découvre la fin de mon aventure personnelle après environ quatre heures de jeu et je trouve la conclusion satisfaisante. Comme le jeu est court, cela donne envie de recommencer pour explorer d’autres fils de l’intrigue et voir comment ils se terminent.
Parfois, les réponses se prolongent par des tests de capacité, comme on les appelle. Je dois alors lancer le dé en fonction de l’une de mes trois statistiques : connaissance, perception et détermination.
Le lancer de dé s’effectue avec une roue à tourner. Le chiffre que j’obtiens doit être égal ou inférieur à une certaine valeur déterminée par le niveau de difficulté du test. Plus ma statistique est élevée, plus le test est facile.
Au début de l’intrigue, je choisis mon parcours et je détermine donc mes statistiques de départ. Comme toujours, je crée un personnage particulièrement intelligent au détriment des autres stats. Pas étonnant que j’échoue toujours aux tests de perception, avec pour conséquence une baisse de cette statistique. Quand je réussis les tests dans Void Sails, mes stats augmentent, et elles baissent quand je me ramasse.
Je suis frustrée de ne pas réussir mes tests de perception malgré des artefacts censés m’aider comme des livres magiques ou des porte-bonheur. Au bout d’un moment, ma stat baisse tellement que les objets ne m’aident même plus. La roue m’emporte dans une spirale négative de laquelle il m’est impossible de m’extirper. Pour les décisions qui demandent une bonne perception, je n’ai guère de chance de réussir. Cela m’empêche de choisir certains fils de l’intrigue. Cette mécanique de lancer de dé s’inscrit dans le côté jeu de rôle de Void Sails. Vous pouvez facilement contourner ce problème en équilibrant vos statistiques au début du jeu.
Lorsque je ne suis pas occupée à prendre des décisions et à tourner la roue, j’explore les espaces ouverts à bord de mon navire volant. Je m’arrête là où l’intrigue ou les histoires secondaires se poursuivent. Je déclenche parfois de simples interrupteurs ou je combats les navires ennemis.
Mon équipement comprend trois armes à feu : deux conventionnelles et un canon solaire plus puissant qui tire un rayon laser. Selon la direction que je regarde quand je vise, devant moi, à gauche ou à droite, je tire avec une arme différente. Comme les canons ont leur propre temps de recharge, les combats comportent une certaine dose de composante tactique. J’ai beau avoir envie de tout pulvériser avec le canon solaire, cette arme puissante a besoin d’un temps de recharge plus long que les deux canons latéraux. Je l’utilise donc avec parcimonie.
Les commandes sont un peu poussives. Mon navire prend parfois trop d’élan dans les virages si bien que je cogne contre les murs, ce qui me fait perdre des points de vie. Ce n’est pas gênant au point de me gâcher le plaisir du jeu, mais cela m’agace inutilement pendant les combats.
Les boucliers de protections sont une caractéristique essentielle de mon navire. J’ai appris à mes dépens que dans ce jeu l’attaque n’est pas forcément la meilleure des défenses. Les navires adverses me bombardent en retour et je vois ma barre de vie fondre à toute allure si je n’active pas mon bouclier. Après cinq morts prématurées bien énervantes contre un pirate, j’ai enfin le déclic. Depuis, j’aborde ces combats divertissants avec plus de patience. Voilà qui améliore grandement mes chances de victoire.
Je peux aussi améliorer mon navire et rendre par exemple mes boucliers plus résistants ou mes canons solaires plus puissants.
Le dernier élément de gameplay, d’ailleurs plutôt décevant, de Void Sails concerne les trajets entre les espaces ouverts et les séquences de progression de l’histoire. Ils se déroulent sur une carte interactive qui me permet de cliquer sur le point où je veux me rendre. À certains endroits, je rencontre des phénomènes surnaturels. Il s’agit la plupart du temps de passer des tests de capacité qui me font avancer dans l’intrigue ou me rapportent un objet utile en récompense.
Entre-temps, je m’arrête au phare et fais le plein de provisions. Un minuscule élément de gestion/survie sous forme de nourriture est également présent dans le jeu. C’est tellement simple à résoudre qu’on aurait pu s’en dispenser. Avant de partir pour la prochaine carte, le jeu m’indique combien de provisions je dois acheter. Même quand je fais des détours, j’ai toujours assez de réserves dans les cales. L’angoisse de manquer n’arrive jamais.
La première œuvre du studio indépendant Ticking Clock Games laisse une bonne impression en ce qui concerne la mise en scène. Les textes qui me racontent l’histoire sont écrits de manière captivante. Le doublage en anglais des dialogues occasionnels est réussi. À noter que Void Sails n’existe qu’en anglais.
J’aimerais une meilleure qualité en termes de performances du jeu. Tout ne fonctionne pas sans accroc sur la carte avec les points. Le jeu a planté plusieurs fois, deux fois au même endroit dans les 90 premières minutes de jeu. À l’heure où j’écris cette critique, je ne sais pas si ce point sera amélioré à la sortie du jeu. La prise en charge des manettes et du Steam Deck est prévue.
En jouant à Void Sails avec la souris et le clavier, je me suis dit que ce serait tellement plus sympa d’utiliser le Steam Deck, blottie dans mon canapé avec un mug de thé.
« Void Sails » est disponible sur PC depuis le 14 mai 2025 pour à peine 21 francs suisses. J’ai testé la version PC sur Steam.
« Void Sails » est un livre dont vous êtes le héros avec des navires volants qui s’inscrit dans le mythe de Cthulhu. Un mélange absurde à la fois captivant et cosy.
Le jeu s’adresse à un public spécifique, à savoir les fans de Cthulhu et de science-fiction qui aiment lire. On évolue dans ce jeu vidéo comme dans un livre à choix multiples de notre enfance qui raconte une histoire passionnante en nous laissant une grande liberté de décision. La découverte à bord du navire et les affrontements au canon permettent de varier les plaisirs. Les commandes sont malheureusement parfois un peu capricieuses. Avec à peine quatre heures de jeu, « Void Sails » est une aventure courte, mais merveilleusement agréable.
Pro
Contre
J'ai rédigé mon premier texte sur les jeux vidéo à l'âge de huit ans. Je n'ai plus pu m'arrêter depuis. Mon amour pour Husbando 2D, Monster, mes chats et le sport complètent ma passion.