
Critique
"Tron : Ares" est beau et bruyant - mais il n'est pas courageux
par Luca Fontana

Et si le chasseur le plus dangereux de l’univers était le plus faible de son clan ? « Predator: Badlands » renverse la formule et relate un conte de monstres sur l’honneur et le changement.
Avertissement : cette critique de film ne contient pas de spoilers. Vous n’en apprendrez pas plus ici que ce que l’on sait déjà et que l’on peut voir dans les bandes-annonces. Predator: Badlands est sorti au cinéma le 6 novembre.
Il y a des personnages que l’on ne peut pas tuer. Ni avec des balles, ni avec le temps. Le Predator en fait partie. Ou plus précisément les Yautja, l’espèce qui a jadis terrifié Arnold Schwarzenegger dans la jungle d’Amérique centrale. « S’il peut saigner, on peut le tuer », avait déclaré Arnold en 1987. Sa réplique avait donné naissance à une mythologie qui a par la suite bien failli faire les frais de remakes trash et de crossovers fantaisistes.
Et puis, Dan Trachtenberg est arrivé. Dès 2022 avec Prey et plus récemment avec Killer of Killers, il a montré à la franchise ce qui se passe lorsqu’on prend à nouveau au sérieux le monstre né du culte machiste aux montagnes de muscles. C’est sans doute aussi parce qu’il comprend mieux les Yautja que quiconque en dehors du réalisateur original John McTiernan.
Il les considère comme des chasseurs ayant un code d’honneur.
Avec Predator: Badlands, Trachtenberg pousse cette idée encore plus loin. Il ne raconte pas une énième histoire d’humains qui doivent survivre face à un monstre, mais une histoire dans laquelle le monstre doit d’abord faire ses preuves pour survivre. Ça fait du bien, c’est rafraîchissant et parfois même surprenant.
Honnêtement, je ne pensais pas qu’Hollywood parviendrait encore à me surprendre. D’anciennes références sont souvent exploitées jusqu’à la moelle, jusqu’à évaporation de la moindre trace de nostalgie. Mais voilà que Predator: Badlands prouve que même une franchise que l’on croyait morte peut retrouver un nouveau souffle, à condition de la laisser faire. Qu’on ne vienne pas me dire qu’Hollywood est à court d’idées. Il y en a, mais personne ne les écoute.
Heureusement que les studios 20th Century ont fait un effort et convié Dan Trachtenberg, qui a coécrit Badlands en plus de le réaliser. Si Prey était un retour aux sources, Badlands est un audacieux bond en avant.

Le film commence en effet là où on l’attend le moins : avec un Yautja qui ne gagne pas. Dek est le chasseur le plus faible de son clan, ce qui fait de lui un paria dans une culture où l’honneur se mesure à l’aune des trophées. Être faible est une honte et la honte doit être effacée, ou plutôt chassée et éliminée.
Dek s’enfuit donc et se réfugie sur une planète que même son espèce redoute. En effet, une créature réputée invincible y vit. Pour Dek, ça ne fait pas un pli : s’il est considéré comme le plus faible, son seul moyen de survivre est de vaincre le plus fort et de s’arroger ainsi le plus prestigieux des trophées...

Soudain, les rôles sont inversés. Le chasseur devient la proie, le monstre un outsider. Trachtenberg inverse la formule sans la briser. Il ne rend pas le Yautja humain, il montre simplement ce qu’il y a d’humain en lui : sa vulnérabilité, sa rage, sa peur d’être insignifiant.
Mais surtout, Trachtenberg nous propulse dans ce corps d’acier et de chair et montre comment chaque mouvement devient un acte de survie. La planète sur laquelle Dek échoue n’est pas un désert désolé, mais un enfer bouillonnant. Entre les arbres couverts de mousse se cachent des prédateurs aux dents brillant comme des éclats de verre. Les branches attaquent tout ce qui bouge, les buissons crachent du poison, les vers explosent. Même l’herbe est une arme, si tranchante qu’elle entaille la chair dès qu’on la touche.
Et Dek évolue ici comme un corps étranger dans un écosystème qui le rejette, le chasseur a atterri dans un royaume où tout chasse.
Génial.
J’entends déjà les voix indignées des fans de la première heure lorsque Dek trouve une alliée improbable en la personne d’une androïde : « Un Predator qui se lie d’amitié avec quelqu’un ? Sacrilège ! Trahison ! » Mais il y a un malentendu. Dan Trachtenberg ne trahit rien, bien au contraire. Dès le début du film apparaissent ces mots :
« Un Yautja n’est l’ami de personne. Un Yautja est un prédateur pour tous. »

Les Yautja ne sont pas des amis. Ce sont des chasseurs. Cette phrase sert de fil rouge au du film. Mais les chasseurs utilisent des outils. Tantôt grossiers (lames, lances, filets), tantôt sophistiqués (champs d’invisibilité, scanners thermiques, canons laser à la précision presque inquiétante). Et tout ça dans un seul but : perfectionner l’art de tuer.
Thia, la comparse mentionnée plus haut, une survivante synthétique de la Weyland-Yutani Corporation, n’en est que la suite logique. Un outil, pas un être vivant. En tant qu’androïde, ou plus précisément de synthétique, elle n’est rien de plus qu’une machine. Quelque chose que l’on utilise pour chasser et, dans ce cas, pour survivre. C’est du moins ce que se raconte Dek pour ne pas enfreindre son propre code d’honneur.

Dek reste fidèle à ce qu’il est : un tueur. Et un tueur loin d’être bête. Il est certes jeune, zélé, plutôt chétif pour un Yautja et parfois trop brusque, mais il apprend. Encore et encore. Il analyse, observe, s’adapte. Et c’est précisément là que Badlands prend une nouvelle direction rafraîchissante : le film montre un Yautja qui ne devient pas plus fort en devenant plus violent, mais en comprenant que la force ne vaut rien sans adaptation.
Le fait que ce soit justement la synthétique Thia qui le mette sur cette voie, avec une chaleur et un humour surprenants pour un film Predator, ne me dérange pas. J’aime bien cette évolution qui se fait insidieusement, presque sans que l’on s’en aperçoive. Par exemple, lorsque Dek apprend des nombreuses erreurs qu’il commet au départ et qu’il utilise ce qu’il a appris contre ses ennemis.
Pour moi, cela n’affaiblit en rien le mythe, cela l’étoffe d’une manière bien nécessaire.
Une dernière chose : même si Predator: Badlands a été classé PG-13 aux États-Unis, ce qui a inquiété à juste titre de nombreux fans (en allemand), il n’y a rien de doux ici. Dan Trachtenberg met en scène la violence avec une brutalité physique qui fait mal. Mais cela n’a rien de nouveau, on en a l’habitude depuis Prey et Killer of Killers.
Lorsque Dek déchiquette ses adversaires, le sang gicle, les membres sectionnés volent, les corps se brisent. PEGI interdit d’ailleurs le film aux moins de 16 ans (en allemand), du moins par chez nous.

Badlands conserve un rythme étonnement élégant, aucun moment ne traîne trop, aucun combat n’est trop long. Trachtenberg a un sens inné pour savoir quand la tension doit exploser et où elle doit refluer. Un instant, un rayon d’énergie rouge vif déchire les sous-bois et l’instant d’après, le silence fantomatique qui enveloppe le film comme une seconde peau revient.
Trachtenberg a vraiment un don.
Avec Predator: Badlands, Dan Trachtenberg montre qu’il n’est pas nécessaire d’opérer une rupture radicale pour relancer une franchise. Il suffit d’avoir le courage de tenter de nouvelles choses. Là où d’autres ne voyaient que le monstre, il se penche sur l’intériorité de la créature, sa culture, son code d’honneur, ses doutes.
Cela ne fera évidemment pas entrer Badlands dans les annales de l’histoire du cinéma, mais ça reste un film d’action sacrément bien fichu. Brut, captivant et mis en scène avec une finesse étonnante. Le film sait quand être bruyant, quand être calme et même quand faire des clins d’œil. Badlands porte clairement la marque d’un réalisateur qui sait ce qu’il fait.
Je pense que c’est là le plus grand exploit de Trachtenberg : il ne rend pas le mythe plus grand qu’il ne l’est, il rappelle simplement ce qui a fait qu’il a fonctionné. Predator: Badlands n’est pas un projet prestigieux, mais un cinéma de genre honnête et techniquement très solide. Et cela suffit amplement à me faire croire qu’un vieux chasseur peut encore surprendre.
J’écris sur la technologie comme si c’était du cinéma – et sur le cinéma comme s’il était réel. Entre bits et blockbusters, je cherche les histoires qui font vibrer, pas seulement celles qui font cliquer. Et oui – il m’arrive d’écouter les musiques de films un peu trop fort.
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