Pas de muscles, pas de vie. Ils stockent l'énergie et génèrent la force avec laquelle nous nous mouvons. Avec l'âge, l'atrophie musculaire, la sarcopénie de son nom scientifique, s'installe. L'ETH vient de déclarer la guerre à ce problème et le smartphone joue un rôle important à cet égard.
Nos muscles se développent grâce à l'activité physique. La musculation est donc la clé pour contrer les effets négatifs de l'atrophie musculaire liée à l'âge – laquelle se manifeste dès 40 ans –, connue sous le nom de sarcopénie. Cependant, on ignore encore largement ce qu'est l'entraînement musculaire ciblé et comment il remplit son objectif de manière optimale.
Tensions musculaires
Les tensions musculaires devraient se dissiper : les chercheurs de l'Institut de biologie systémique moléculaire de l'ETH Zurich veulent combler les lacunes dans ce domaine. Claudio Viecelli, biologiste moléculaire et musculaire, a mis au point, pour sa thèse en collaboration avec la haute école spécialisée zurichoise (ZHAW), une méthode simple selon laquelle les capteurs d'accélération des smartphones conventionnels enregistrent des résistances d'entraînement variables. L'étude a récemment été publiée dans la revue PLOS ONE.
Claudio Viecelli, directeur d'études à l'ASVZ Irchel.
Quel est le rôle des systèmes moléculaires ? Claudio Viecelli : la fonction des systèmes biologiques fait généralement l'objet d'études au niveau des mécanismes biochimiques individuels. La discipline de la biologie des systèmes, quant à elle, s'intéresse aux interactions entre un grand nombre d'éléments biologiques individuels tels que les gènes, les protéines et les métabolites. Nous essayons d'utiliser les réseaux d'éléments en interaction qui en résultent pour comprendre et prédire, par exemple, comment le métabolisme, la division cellulaire ou les processus de développement se déroulent et comment les maladies se développent.
Depuis deux ans, vous travaillez sur l'étude qui vient d'être publiée. De quoi s'agit-il ? Il s'agit de décrire la musculation de la manière la plus objective et la plus significative possible.
N'est-ce pas déjà le cas ? Non justement. Au contraire même. Certes, les études sur le sujet, aussi nombreuses soient-elles, comparent généralement ce qui n'est pas comparable. Les déductions sur la formation des muscles ne sont guère possibles.
Où est le problème ? Qu'est-ce qui fait défaut à ces études ? Jusqu'à présent, en musculation, on n'enregistre que le nombre de séries et de répétitions effectuées avec une charge. Ces données sur l'entraînement sont cependant insuffisamment comparables et donc pas optimales pour étudier les effets possibles de l'entraînement sur la formation musculaire. Le schéma temporel de l'exercice de force est pertinent pour la physiologie musculaire.
Et l'ETH comble maintenant cette lacune avec sa dernière étude ? Oui, c'est exact. Les paramètres de description nécessaires sont, en théorie, connus depuis un certain temps : la « répétition unique », c'est-à-dire le fait de soulever et d'abaisser la charge ; les « temps de contraction spécifiques » indiquant la durée de tension respective des muscles pour la montée et la descente ; et enfin la « durée totale de la tension », soit la durée pendant laquelle les muscles sont tendus lors d'un exercice.
Ne suffirait-il pas de donner un chronomètre à quelqu'un ? Ce n'est malheureusement pas aussi simple. Un exemple à l'appui : vous soulevez le poids pendant la phase concentrique, vous le maintenez puis le relâchez pendant la phase excentrique. Vous effectuez 12 répétitions en 90 secondes. Pour déterminer la durée réelle des différentes phases ainsi que la durée totale de la tension à l'aide d'un chronomètre, et ce, pour toutes les répétitions, il faudrait plus d'un chronomètre et une personne pour le faire fonctionner. Dans la pratique, c'est impossible. Jusqu'à présent, il n'existait pas de méthode simple pour collecter et décrire ces données sur les appareils de musculation de manière objective, valide et fiable. De plus, le délai œil-main s'élève en moyenne à 180 millisecondes. Avec 80 millisecondes, le délai du smartphone est beaucoup plus faible et la mesure, plus précise.
Le smartphone entre donc dans l'équation. Nous l'avons placé sur le dessus de la colonne de poids, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessus. Pendant le mouvement, les capteurs du téléphone mesurent les accélérations lors de la levée et de la descente des poids. L'accéléromètre n'est rien d'autre qu'une construction tridimensionnelle qui mesure l'accélération du smartphone (dans les trois dimensions donc). Nous pouvons lire la durée de la tension de la phase concentrique et excentrique. Par exemple, nous arrivons à dire qu'une contraction concentrique a duré trois secondes ou que la contraction excentrique suivante a duré cinq secondes. Cela nous permet également d'étudier la durée totale de l'exercice et le nombre de répétitions réellement effectuées. Nous avons testé cette méthode sur 22 personnes.
La musculation comme prévention
Les muscles – lesquels stockent glucides, protéines et lipides – contribuent de manière significative à notre métabolisme et à notre équilibre énergétique et convertissent l'énergie chimique en énergie mécanique. Les muscles squelettiques représentent à eux seuls jusqu'à 40 % de notre poids corporel.
Cependant, selon Claudio Viecelli, la masse musculaire diminue en continu à partir de 40 ans environ. Cette atrophie musculaire liée à l'âge atteint environ 6 % en dix ans. Jusqu'à l'âge de 80 ans, une personne perd entre un quart et un tiers environ de sa masse musculaire maximale. Il en résulte une réduction des performances et de la qualité de vie.
Dans la force se trouve la force.
La musculation n'est donc pas uniquement destinée à prendre de la masse, mais à protéger sa santé aussi ? C'est exact. Grâce à une application spécialement programmée, nous pouvons lire un grand nombre de données à partir du profil de vitesse dérivé. Le potentiel de la science à disposer d'une solution aussi évolutive est immense. Si un grand nombre de gens utilisaient une telle application et mettaient anonymement leurs données personnelles d'entraînement à disposition de la science, nous serions en mesure de mieux résoudre les problèmes musculo-squelettiques – c'est-à-dire les maladies inflammatoires et dégénératives de l'appareil locomoteur – et de soulager, par la même occasion, notre système de santé.
Votre vision est celle d'une salle de musculation numérisée ? À l'avenir, vous placerez votre smartphone sur la colonne de poids, terminerez votre entraînement et aurez enregistré toutes les données qui vous concernent. À partir de là, il sera possible de créer des programmes d'entraînement précis et individualisés.
Les données ainsi recueillies vaudraient leur pesant d'or pour vous en tant que scientifique, n'est-ce pas ? C'est évident. Nous pouvons utiliser ces dispositifs afin de collecter des données pour la science et l'utilisateur. L'objectif général est de créer une matrice de décision basée sur des données efficace et efficiente en musculation. Grâce à ces calculs, l'instructeur – ou l'entraîneur – ne fait qu'obtenir davantage de données issues de la recherche afin de traiter le client ou le patient avec encore plus de succès. Il ne s'agit pas de remplacer les gens. Il s'agit de leur donner les outils nécessaires pour mieux faire leur travail.
Quel est le rôle de la génétique ? Ne serait-il pas plus efficace de faire en sorte de viser une séance de musculation personnalisée ? Dans la recherche, nous supposons que la génétique représente environ 40 % de l'adaptation. Mais si nous ne sommes pas en mesure de décrire exactement la musculation, comment allons-nous traiter la génétique ? La seule analyse de votre microbiome – c'est-à-dire des bactéries intestinales – aurait déjà un effet sur votre alimentation et le type d'entraînement que vous effectuez. Nous n'en sommes pas encore là.
Deuxième étude
Vous venez déjà de passer à une étude de suivi à laquelle j'ai eu la chance de participer. De quoi s'agit-il ? Dans la première étude, nous demandions aux gens de s'entraîner à leur rythme personnel. Et nous avons pu montrer que notre algorithme fonctionne apparemment très bien dans un environnement dynamique si nous ne fixons pas de contraintes. À présent, nous voulons savoir comment notre algorithme se comporte dans des situations extrêmes. Par exemple, lorsque quelqu'un s'entraîne lentement ou très rapidement avec des charges élevées ou faibles. Nous sommes plongés dans l'analyse de données.
Dans les coulisses de la dernière étude. Photo : David Graf, ZHAW
La question reste de savoir quand la salle de musculation numérisée deviendra réalité. Selon Claudio Viecelli, cela dépend du modèle commercial en question. Un fournisseur équipe-t-il les appareils de capteurs appropriés ou les mesures sont-elles effectuées comme dans son étude par le biais des smartphones des utilisateurs ? Claudio Viecelli parle ici d'investissements à sept chiffres et suppose que d'ici deux à cinq ans, la salle de sport numérisée sera une réalité.
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Est-ce là une étape judicieuse vers un entraînement musculaire personnalisé ou une autre façon d'accéder à nos données ?
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Ancien journaliste radio devenu fan de story telling. Coureur confirmé, adepte du gravel bike et débutant en haltères de toutes tailles. Quelle sera ma prochaine étape ?