Critique

« Barbie » : critique sociale grossière ou chef-d’œuvre ? Voici ce qu’en pense la rédaction

« Barbie », le nouveau film de Greta Gerwig, fait parler de lui. Non seulement en raison de la poupée controversée et de l’idéal de beauté discutable qu’elle transmet, mais aussi en raison de la forte critique sociale du film. Notre rédaction évalue si le film vaut la peine d’être vu.

Avant toute chose : cet article ne contient aucun spoiler. Vous n’y trouverez que des informations issues des bandes-annonces officielles.


Avec ses cheveux blond platine, ses yeux bleu azur, ses longs cils, sa taille de guêpe, sa poitrine opulente, et ses longues jambes, Barbie fait son entrée sur la scène du monde des jouets le 9 mars 1959. Après tout, Ruth Handler, cofondatrice de l’entreprise de jouets Mattel, voulait non seulement créer une figure féminine confiante, mais aussi redéfinir le rôle de la femme de l’époque. Barbie exerce ainsi de multiples métiers : astronaute ou doctoresse, juge à la cour suprême ou vendeuse.

Mais aussi...sirène ?!

C’est bien cette contradiction qui a, dès lors, érigé Barbie en icône de la pop culture. Si elle représente la femme forte qui propage le féminisme dans le monde pour certaines personnes, pour d’autres, elle symbolise un canon de beauté inatteignable qui fait complexer des générations entières. Vouloir rassembler ces multiples facettes, rebelles et effrontées, au sein d’un seul film, paraît insensé. Et pourtant, c’était le pari de l’actrice, scénariste et réalisatrice Greta Gerwig.

Notre équipe dévoile donc si le jeu en vaut vraiment la chandelle.

Video und Schnitt: Valentina Sproge-Werndli

Natalie Hemengül met du baume au cœur

Bien que mes lacunes cinématographiques ne me permettent pas de l’affirmer, je me le permets quand même : Barbiea le potentiel d’un classique. Étant donné que j’aimais bien jouer aux poupées en plastique Mattel durant mon enfance,je m’attendais à ce que le film à ce sujet me plaise. Avec du recul, je réalise que le film ne m’a pas simplement « plu », mais que j’en ai adoré chaque seconde !

Pourquoi ? Car Barbiem’évoquait ce mélange amer de beaux souvenirs de mon ancienne cage d’escalier, où mes poupées Barbie se retrouvaient avec celles de mes voisines, et la question actuelle de savoir si, en tant que femme, je pouvais trouver Barbie toujours aussi géniale. La réponse est OUI !

Margot Robbie, comme tant d’autres Barbies, doit se rendre dans le monde réel afin d’échapper de Barbie Land.
Margot Robbie, comme tant d’autres Barbies, doit se rendre dans le monde réel afin d’échapper de Barbie Land.
Source : Warner Bros. Entertainment

« Amoureuse des détails » est un mot qui ne suffit pas à décrire l’univers en plastique créé par Sarah Greenwood, décoratrice du plateau. Son interprétation du pays des Barbies dépasse tout mon pouvoir d’imagination et toutes mes attentes. Mais l’intrigue et les tenues sont tout aussi spectaculaires. Le film surprend par sa forte autocritique, ainsi que par son humour généreux, qui ne divertissent pas uniquement les adeptes de Barbie. Dans tous les cas, je vais définitivement revoir le film sur grand écran et continuer de m’en vouloir d’avoir donné mes poupées il y a longtemps.

Luca Fontana : juste un film anti-hommes ? Que nenni !

Les films qui me suprennent se font de plus en plus rares, mais Barbieen fait partie. Non pas parce que le caractère des personnages évolue soudainement et profondément (ce n’est pas le cas), mais parce que Greta Gerwig parvient à réaliser un film dont je ne me sens pas exclu en tant qu’homme, malgré la puissante critique d’une société dominée par les hommes.

Peut-être parce que, malgré tout,Barbie n’est pas une attaque dirigée directement contre le monde des hommes. L’autocritique, bien présente dans le film, s’en charge. Le début du film me semble même tourner en dérision un « faux » féminisme qui ne défend pas l’égalité entre les sexes, mais s’attache en réalité à dévaloriser les hommes.

Le pays des Barbies est exactement montré de cette manière au début. Ensuite, dans Utopia, où « tous les problèmes du féminisme et des égalités des sexes » ont été résolus, comme l’indique la narratrice Helen Mirren en voix off avec un clin d’œil, ce sont finalement les Barbies qui détiennent toutes les positions de pouvoir. Les Kens sont quant à eux en quête permanente d’attention et ne se définissent que par leur désir d’être remarqués par les Barbies. Comme le décrit la chanson digne d’un Oscar : « I’m just Ken and I’m enough, and I’m great at doing stuff. »

L’humour merveilleusement désarmant du film de Greta Gerwig rend de nombreuses scènes pertinentes. «I thought patriarchalism was about men on horses» , radote Ken interprété par Ryan Gosling, « but the horses are actually an extension of manhood. » Il vient tout juste de réaliser que, dans le monde réel, ce sont les hommes, et non pas les Barbies, qui donnent le ton. À un moment donné, on lui demande simplement l’heure et ce qu’il perçoit alors comme le symbole du patriarcat l’éblouit.

Je trouve toutefois que la meilleure scène de Barbie arrive au moment où le coproducteur de Mattel entre en scène et paraît ridicule à chaque fois. « I love women », déclare par exemple le PDG de Mattel joué par Will Ferrell, « I’m a son of a mother after all ! ». Son conseil d’administration, constitué exclusivement d’hommes dans la cinquantaine, acquiesce. En concevant une nouvelle Barbie, il détermine ce que le féminisme signifie pour le reste du monde. Je ne me serais jamais attendue à ce que Mattel soit aussi dans l’autodérision.

Le film est complètement décalé et d’une ironie mordante. Il mérite donc d’être vu.

Simon Balissat : Gerwig et un film en rose, au lieu de noir et blanc, est-ce compatible ?

Greta Gerwig est la réalisatrice du film *Barbie *. Je n’aurais pas pu être plus scpetique. Gerwig est connue en tant qu’actrice et scénariste, principalement dans des productions indépendantes. Et maintenant, cette célèbre réalisatrice indépendante affiche les poupées Mattel à l’écran ? ! « Ça ne peut pas fonctionner ! », me suis-je dit ...

.. et je me suis bien fourvoyée.

L’engagement de Gerwig (et de son partenaire Noah Baumbach, co-réalisateur du film ) est remarquable et pas aussi risqué que ce qu’on pouvait penser. Gerwig choisit ce qui lui réussit le mieux : elle raconte l’histoire d’une protagoniste qui s’échappe, plus ou moins volontairement, de son univers rassurant, mais monotone. C’était déjà le cas dans Frances Ha ou de Lady Bird. La différence est que le film Barbie baigne dans un décor rose vif alors que *Frances Ha * est en noir et blanc. Et au lieu de fuir Sacramento, la protagoniste s’échappe du pays des Barbies.

Ce serait très surprenant que Ryan Gosling ne soit pas nominé aux Oscars pour son second rôle très réussi dans Barbie.
Ce serait très surprenant que Ryan Gosling ne soit pas nominé aux Oscars pour son second rôle très réussi dans Barbie.
Source : Image Warner Bros. Entertainment

Le fait que ce ne soit pas une comédie subtile, mais plutôt très directe, va de pair avec toute la dimension absurde du film. À une époque où des vauriens misogynes tels que Andrew Tate ou Jordan Peterson s’adressent à des millions de personnes (surtout de sexe masculin), il faut déployer la grande artillerie. Quelle ironie qu’elle arrive sous forme d’une poupée qui incarne l’image de la femme soit disant parfaite selon Tate et Peterson. Les stéréotypes sont habilement élaborés pour être mieux fracassés. Au départ, les Barbies sont par exemple des icônes féministes alors que les Kens ne sont que des potiches. Un scénario conçu pour être renversé dans la seconde partie du film.

Gerwig joue intelligemment avec tous les clichés sans que je ne me sente pour autant écrasé par la morale Je tire mon chapeau de cowboy rose !


« Barbie » sortira en salle à partir du 20 juillet 2023. Durée : 114 minutes. Interdit aux moins de 12 ans.

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Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.» 


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