En coulisse

VFX ou le ciné par ordi

Luca Fontana
10/8/2018

125 ans après l’invention du cinéma, les studios de VFX intègrent parfaitement des images numériques aux films et aux séries. Penchons-nous sur le rôle des effets visuels.

Frodon se tient au bord d’un énorme cratère rempli d’une lave aussi bouillante que le jour où Sauron a conféré à l’Anneau son pouvoir. Sam, son fidèle compagnon, s’écrie:

«Jette-le dans le feu!»

Il désespère. Il sent que quelque chose ne va pas. La mission que leur a confiée le conseil d’Erlond est on ne peut plus claire: escaladez la montagne du Destin et jetez l’anneau dans le feu, car il ne peut être détruit qu’à cet endroit. Pourtant, Frodon hésite. Le précieux anneau aurait-il réussi à le corrompre?

Les yeux de Sam se remplissent de larmes. Il sent monter en lui colère, frustration et sentiment d’impuissance.

«Lâche-le...»

Il ne se doute pas que Gollum, créature possédée par l’Anneau, s’approche derrière lui et compliquera encore la situation.

On doit les images époustouflantes de la trilogie fantastique aux effets visuels (VFX). Sans eux, les comédiens auraient dû se rendre au-dessus d’un vrai volcan pour obtenir un résultat aussi beau. L’équipe de tournage aurait peut-être réussi à reproduire l’abîme de la caldera, mais personne n’aurait pu survivre à ses émanations toxiques. Les effets visuels interviennent lorsque les moyens matériels ont atteint leurs limites.

À notre époque, un cinéma sans effets visuels serait impensable.

Grâce à eux, les cinéastes racontent leur histoire d’une manière qu’ils n’auraient jamais crue possible auparavant. La trilogie du Seigneur des anneaux en est un parfait exemple. Jetons un œil à ses débuts pour comprendre son importance dans le cinéma d’aujourd’hui, mais aussi ses désavantages.

Le rôle de la prévisualisation

En général, la création d’un blockbuster hollywoodien se divise en trois phases:

  1. la préproduction,
  2. le tournage,
  3. la postproduction.

Il a malheureusement fait un flop monumental et a failli ruiner la 20th Century Fox, sa boîte de production.

Les énormes décors complexes de «Cleopatra», qui ont dû être entièrement reconstruits à deux reprises après avoir été détruits par une tempête, ont pratiquement ruiné la 20th Century Fox.

Contrairement aux effets visuels, les effets spéciaux sont réalisés durant le tournage. Ce sont des effets mécaniques ou chimiques, tels qu’un dinosaure robotisé ou une grosse explosion, dont le réalisateur peut vérifier le résultat sur le plateau de tournage.

C’est durant la phase de préproduction que les responsables des VFX planifient les effets à réaliser durant la postproduction. Leur objectif est d’avoir les meilleures conditions possibles lors du tournage des scènes auxquelles les effets visuels seront ensuite ajoutés. De concert avec le réalisateur, ils règlent les caméras, modifient le design du plateau, l’éclairage et l’aspect visuel du film en tant que tel.

Esquisses, story-boards et prévisualisations sont communément utilisés lors de la planification. Des artistes créent un genre de bande dessinée du film (le story-board) à partir du scénario, sous la supervision du réalisateur. Les producteurs et l’équipe du film se font ainsi une représentation approximative du produit final, et le réalisateur planifie le déroulement de son récit.

De nos jours, le souci du détail va si loin que les story-boards sont prévisualisés sur ordinateur, à l’aide d’une technique d’infographie 3D simple. Ils servent de base aux discussions entre le réalisateur et le responsable des VFX et contribuent à l’élaboration d’idées et d’images.

Les protagonistes fuyant le balrog du «Le Seigneur des anneaux», avant même qu’une seule seconde de film n’ai été tournée.

À l’époque, Peter Jackson a déclaré:

Nous tournons trois films d’affilée, et nous risquons de nous perdre en cours de route. C’est pourquoi nous préparerons le film aussi minutieusement que possible.
Peter Jackson, The Appendices: From Book to Vision

Les créateurs d’effets visuels n’entrent en scène qu’après le tournage, durant la phase de postproduction. On les appelle «des artistes VFX». Ils manient leurs outils de programmation comme Lucky Luke son pistolet. La mise au point de ses outils constitue d’ailleurs la base d’effets numériques qui se fondent dans la réalité.

Jurassic Park, le début de la CGI

Sorti en 1973, «Mondwest» est le premier film à avoir eu recours à des effets créés par ordinateur. On leur doit le monde vu à travers les yeux de l’as de la gâchette.

L’as de la gâchette réagit surtout aux sources de chaleur, grâce aux VFX.

D’autres essais avec la CGI et l’infographie 3D ont ensuite été faits. Pour l’époque, les résultats étaient bons, mais ils n’ont jamais dupé personne.

En 1993, le département marketing de Universal Pictures a lancé la bande-annonce du nouveau film de Steven Spielberg, intitulé «Jurassic Park», en ne montrant pratiquement pas son attraction principale – les dinosaures. Pas bête!

À l’époque, les bandes-annonces ne révélaient pas grand-chose.

Des spectateurs curieux ont afflué dans les salles de cinéma du monde entier sans savoir ce qui les attendait. Puis ils ont vu un brachiosaure de 56 tonnes traverser l’écran, et John Hammond (joué par le comédien Richard Attenborough) s’exclamer, accompagné de la célèbre bande sonore:

«Welcome to Jurassic Park.»

Avec «Jurassic Park», ILM a tout simplement balayé ses concurrents en matière de VFX.

Les spectateurs étaient au moins aussi surpris de voir l’immense dinosaure grignoter tranquillement les feuilles des arbres que les personnages du film. Jamais encore des créatures numériques n’avaient été aussi bien intégrées à la pellicule. Ce film est considéré comme la naissance des effets visuels tels que nous les connaissons maintenant.

«Avatar» et les merveilles de la CGI

Si, durant les années qui ont suivi «Jurassic Park», des films tels que «Titanic», «Gladiateur» et les deux premiers de la saga «Harry Potter» ont continué à repousser les limites de l’animation par ordinateur, c’est Gollum, la célèbre créature du «Seigneur des anneaux», qui a fait le plus parler de lui.

Les mouvements et les expressions faciales les plus marquées du comédien Andy Serkis ont été reproduits directement sur un modèle numérique à l’aide de la technologie de capture de mouvement (le terme anglais «motion capture» est souvent utilisé). À l’époque, Gollum était si réaliste qu’il en est devenu inoubliable. Nous l’entendons encore s’exclamer de sa voir éraillée: «Mon précieux!».

16 ans après, Gollum a toujours l’air aussi réel, même si les effets numériques sont clairement identifiables dans certaines scènes.
La plateforme de capture de mouvement, la caméra de prévisualisation et une Go Pro devant le visage des comédiens ont énormément influencé les techniques d’animation par ordinateur.
Rien dans cette scène n’est réel, et pourtant… Observez Neytiri dès 0:27.

L’importance croissante des effets visuels, et leurs inconvénients

Aujourd’hui, près de 25 ans après que le premier t-rex de Spielberg a révolutionné le cinéma, les 15 plus grands succès cinématographiques contiennent presque tous des effets visuels, quand ils n’ont pas été entièrement créés par ordinateur. Encore plus impressionnant, 14 d’entre eux sont sortis ces dix dernières années.

Si les effets visuels gagnent en importance, on reproche aussi aux films qui dépendent de la CGI d’être trop artificiels et de manquer d’âme. Il y a 25 ans, les effets par ordinateur étaient une solution de dernier recours.

La puissance de calcul toujours plus grande des ordinateurs modernes donne des résultats beaucoup plus rapides en postproduction. Le temps n’est plus nécessairement une ressource limitée, et les cinéastes peuvent aisément mandater des studios de VFX.

Les effets visuels de «Warcraft: Le commencement» ne sont pas mauvais en soi, mais le film a l’air artificiel.

Et quelle leçon en tire Hollywood? La qualité du scénario, de la réalisation et du jeu d’acteur peuvent laisser à désirer, tant qu’on emploie une grande quantité d’effets spéciaux. C’est plus facile que de créer des histoires créatives, surprenantes et réellement captivantes.

Un plaisir cinématographique facile: de nos jours, des explosions massives remplacent souvent des histoires intelligentes et réellement intéressantes.

Par ailleurs, la qualité de certains effets visuels est plutôt médiocre malgré un budget suffisant.

En 2001, les créateurs de «Le retour de la momie» ont réussi à donner une apparence encore pire au roi Scorpion, joué par Dwayne «The Rock» Johnson, que la momie de «La momie», deux ans auparavant. Et on dit que les effets visuels ne cessent de s’améliorer…

Aïe, aïe, aïe…

Deux ans plus tard, les sœurs Wachowski ont créé une scène de combat entre Neo et l’Agent Smith fortement imprégnée de CGI dans leur film «Matrix Reloaded». Elle sert encore d’exemple en matière de piètres effets visuels dans un film à gros budget.

La qualité des effets visuels diminue au fur et à mesure que le nombre d’Agent Smith augmente.

Les exemples plus récents ne manquent pas non plus. Vous souvenez-vous de la scène dans «Le Hobbit: La Bataille des Cinq Armées», dans laquelle Legolas transgresse les lois de la physique?

Legolas marche sur l’air.

Malgré toutes ces critiques, nous ne pourrions jamais découvrir ces mondes fantastiques sans les effets visuels. La faune et la flore de Pandora («Avatar») sont toujours à couper le souffle. Et un réalisateur ne peut pas toujours réaliser son film comme il le souhaite sans y avoir recours.

Sinon, comment aurait-on pu rajeunir Brad Pitt dans «L'étrange histoire de Benjamin Button»?

Une VFX bien utilisée enrichit énormément un récit.

Le nombre d’effets visuels ne diminuera certainement pas

«Jurassic Park» a non seulement inspiré les artistes VFX alors qu’ils étaient encore enfants, mais aussi prouvé que les effets visuels fascineront toujours, peu importe la quantité utilisée, pour autant que des programmeurs talentueux continuent à les développer.

Une chose est sûre: ils continueront à être de plus en plus utilisés, puisque sans eux, les réalisateurs ne peuvent souvent pas créer leur œuvre exactement tel qu’ils l’ont imaginée. Et soyons aussi pragmatiques: les films remplis d’effets visuels attirent plus de spectateurs que des drames bien ficelés comme «Sicario 2».

Nous n’avons pas encore atteint les limites de ces technologies. Un jour, des films seront entièrement faits par ordinateur, sans que le public ne s’en rende compte.

Ça vous semble horrible? Peut-être, mais les VFX font partie intégrante du cinéma, et ils méritent qu’on les apprécie à leur juste valeur, malgré leurs défauts. Sans eux, les créatures, moments d’effrois et mondes merveilleux des 25 dernières années n’auraient jamais existé, en tous cas pas sous cette forme. Et ça aurait été dommage, vous ne trouvez pas?

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J’écris sur la technologie comme si c’était du cinéma – et sur le cinéma comme s’il était réel. Entre bits et blockbusters, je cherche les histoires qui font vibrer, pas seulement celles qui font cliquer. Et oui – il m’arrive d’écouter les musiques de films un peu trop fort. 


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