
En coulisse
CGI : le cinéma par ordinateur, partie 2
par Luca Fontana
Qui emprunte encore des films en DVD aujourd'hui ? À la recherche de réponses dans la dernière vidéothèque de Zurich.
Zurich, quartier Kreis 1. Trois petites marches en pierre mènent à une porte bleue pleine de tags. Derrière elle, un monde presque oublié.
En plein jour, les DVD s'alignent sur d'innombrables étagères. Certains ne sont visibles que grâce au dos étroit de leur boîte. Seules quelques-unes, surtout les nouvelles sorties, peuvent se montrer de face. Pas étonnant, les 40 000 DVD de films et de séries de la dernière vidéothèque de Zurich doivent tenir sur deux petits étages.
« Les Videos » fait office de distributeur et d'archive de films et, depuis 2014, d'association de cinéma. Elle compte aujourd'hui environ 500 membres. La plupart d'entre eux ont un abonnement forfaitaire de 365 francs, les autres ont un abonnement demi-tarif de 88 francs par an. Comme pour les CFF, dans ce dernier abonnement, les films sont disponibles à moitié prix. Et pour le premier abonnement, tout est inclus, comme pour l'AG. Tous les autres doivent payer huit francs par location de DVD. « À ce prix, en tant que client je veux être sûr de mon choix et n'ose peut-être pas prendre de nouveau film. Avec l'abonnement forfaitaire, je peux tenter des expériences, ce qui facilite la circulation de tous les beaux films », explique Fabio, le président de l'association.
C'est précisément à cause de ces beaux films et de sa fascination pour ce support que Baiba travaille ici. Un petit tintement de cloche signale son arrivée par la porte bleue. C'est elle qui s'occupe du magasin aujourd'hui. Fabio doit bientôt partir travailler. Il exerce ses fonctions à titre honorifique et n'est pas impliqué dans les activités opérationnelles. Baiba s'assied derrière le comptoir, au-dessus duquel est suspendue une vitre encadrée. Cette mesure de protection transforme ainsi l'employée en tableau vivant. Derrière elle, sur le mur, se trouve une étagère remplie de boîtiers transparents. « Nous gardons les films derrière nous, pour dissuader les voleurs », explique Fabio.
Il y aurait suffisamment de marchandises qui pourraient être volées ; surtout au sous-sol. Comme un tapis rouge, une large bande de couleur descend le long des marches. Elle mène à un paradis cinématographique éclairé par des néons : les classiques côtoient les curiosités et les réalisateurs les régions. Quelques chaises sont placées entre les étagères pour lire tranquillement les textes des boîtiers. « Pour que nous ajoutions un film à notre assortiment, il faut qu'au moins une personne ait envie de le voir. » Dès qu'une demande est faite, la recherche est lancée. « Il y a toujours des gens qui nous prennent pour un magasin de musique. Il y a quelques semaines, c'est exactement ce qui est arrivé à un homme un peu plus âgé. Je lui ai expliqué qu'il y a aussi des clips vidéo et des enregistrements de concerts sur DVD. Il a immédiatement pensé à la fois où il avait emmené sa femme à un concert de « Peter, Paul and Mary » dans les années 60 et m'a demandé si je pouvais organiser un DVD à ce sujet. Je l'ai fait », dit Baiba.
C'est précisément ce service que des clients comme Antonina apprécient chez « Les Videos ». « Bien que j'aie ma propre liste IMDb, j'aime que le personnel me recommande des films. J'adore parler de films. » Mais ce n'est pas seulement à cause des personnes, mais aussi à cause du support physique lui-même qu'elle vient à la vidéothèque. « Je me souviens mieux d'un film quand je le regarde en DVD parce que je fais tout plus consciemment. Aller à la vidéothèque, l'emprunter, le mettre dans le lecteur – tout retient mon attention ». Les services de streaming tels que Netflix ou Amazon Prime facilitent grandement le visionnage des films, mais c'est précisément le problème. « Un DVD a un début et une fin. Netflix, en revanche, veut toujours que vous continuiez à regarder. Vous n'avez même pas le temps d'assimiler ce que vous avez vu », dit Fabio. Baiba est entièrement d'accord. « Si en plus vous avez plusieurs onglets ouverts et que vous regardez en même temps votre téléphone, vous loupez tout. »
Bien que la tendance soit clairement aux sollicitations médiatiques permanentes, ces dernières années, Fabio a remarqué une sorte de sursaturation qui a annoncé un changement culturel ; ou du moins pour une partie de la population. « Entre 2005 et 2016, beaucoup de gens se moquaient de moi à cause de la vidéothèque. Maintenant, tout d'un coup, je reçois beaucoup de soutien. Les gens veulent à nouveau un contenu plus riche en qualité ». À ses yeux, la vidéothèque est comme un magasin d'alimentation bio dans un monde dominé par les fast-foods et les supermarchés. Seul le système de retours fait maison – un trou dans la façade avec une sorte de toboggan menant à la cave – permettant de rendre ses DVD 24 heures sur 24 pourrait rivaliser avec McDonald's et cie en termes de rapidité de disponibilité.
Sima, une cliente de longue date qui est aujourd'hui accompagnée de son gendre américain, considère même la vidéothèque comme une institution culturelle. « J'ai été invité au Festival du film de Locarno pendant des années. Chaque fois que je suis revenue et que je regardais le programme de cinéma actuel, je réalisais combien d'art se perdait. Chez ‹ Les Vidéos ›, on le retrouve. Ici, on trouve des films déchirants, des films étrangers et de vieux films. On y trouve aussi beaucoup de films mal vus par les masses ». Pour Sima, cela est justement un signe de qualité. « C'est comme pour les listes de livres best-sellers. Ce qui plaît à un million de personnes n'est généralement pas bon. » Il y a même des films en hébreu. « Personnellement, en tant que juive allemande ayant passé de nombreux étés en Israël dans mon enfance, je trouve cela très beau. »
Cette grande collection attire les amateurs de cinéma de tous âges et de tous sexes. Il n'existe pas d'adepte de vidéothèque type. C'est ainsi que Jossi, 17 ans, qui vient de commencer à travailler ici et qui va bientôt débuter ses études de mathématiques à l'ETH Zurich, franchit la porte bleue en tant qu'ado. « Mes amis et moi avions l'habitude de louer des films dans l'ancienne vidéothèque ‹ City-Video › de temps en temps. Jusqu'à ce qu'on nous conseille de passer ici. Nous avons tout de suite aimé ‹ Les Vidéos › et sommes restés. » Mais les particuliers ne sont pas les seuls à s'y rendre, les cinémas indépendants zurichois comme le Filmpodium ou le Xenix aiment aussi y venir. « Ils utilisent la vidéothèque comme une ressource de visionnage pour élaborer leur programme mensuel », explique Fabio.
Il y reste encore un petit coin à parcourir. Dans l'escalier en bois qui mène à l'étage supérieur, une étagère comprend les films préférés des employés. Baiba est très enthousiaste au sujet du documentaire américain « Life in the Thirties », qui montre la vie pendant la Grande Dépression en utilisant de vraies images des informations de l'époque. « Vous ne trouverez ça nulle part ailleurs. » Jossi, en revanche, recommande « Nelly & Monsieur Arnaud » qui est tout à fait à l'opposé du dernier film de Woody Alle « A Rainy Day in New York ». « Je viens de regarder ce dernier et il m'a totalement déçu. Je suis habitué à de bien meilleures performances de sa part ».
Dans le passé, l'étage supérieur appartenait également à la vidéothèque, mais pour des raisons financières, il est loué comme bureau à trois graphistes depuis un certain temps. Malgré le changement culturel des dernières années mentionné ci-dessus, c'est la seule façon de payer le loyer et tous les salaires. « Nous avons également dû adapter les heures d'ouverture. Maintenant, nous ne sommes ouverts que jusqu'à 19 heures, et non plus jusqu'à 22 heures », explique Fabio. Aujourd'hui, plus personne ne loue de film à 21 heures. « Si vous ne savez pas quoi faire à cette heure de la nuit, il y a de grandes chances pour que vous vous asseyiez devant votre ordinateur. Les habitudes des consommateurs ont changé ». Le DVD est devenu un support en voie de disparition. Il n'y a presque plus personne qui possède un lecteur, alors qu'il n'y a pas vraiment substitut. La bibliothèque Netflix, par exemple, ne contient qu'environ 5000 titres. Les Suisses ont trouvé une faille. « Que faire si vous ne trouvez pas le film que vous voulez regarder ? Exactement, vous lisez en streaming sur un portail controversé. » C'est l'une des raisons pour lesquelles toutes les autres vidéothèques de Zurich ont dû fermer leurs portes.
Mais la porte bleue de « Les Vidéos » est toujours ouverte.
Élargir mon horizon: voilà comment je résumerais ma vie en quelques mots. J'aime découvrir de nouvelles choses et en apprendre toujours plus. Je suis constamment à l'affût de nouvelles expériences dans tous les domaines: voyages, lectures, cuisine, cinéma ou encore bricolage.