En coulisse

Uncanny Valley : Quand des visages animés par ordinateur vous poursuivent dans vos cauchemars

Luca Fontana
18/12/2018
Traduction : traduction automatique

Grand Moff Tarkin ressemble à un humain dans Rogue One : A Star Wars Story. Mais d'une certaine manière, ce n'est pas le cas. Tarkin est animé par ordinateur. Ancien doctorant de l'ETH, Pascal Bérard a fait des recherches pour Disney et explique d'où vient le malaise vis-à-vis des humains numériques.

Les effets créés par ordinateur (CGI) résolvent des problèmes qui ne peuvent pas être résolus par des effets réels et pratiques. La plupart du temps. Il leur reste un dernier obstacle à franchir : la représentation de personnes photoréalistes.

L'obstacle a un nom. Uncanny Valley. Ce terme, inventé par le roboticien japonais Masahiro Mori, désigne le malaise que suscitent les choses qui, tout en nous ressemblant, sont reconnaissables comme étant différentes. Les robots. Des poupées. Ou justement des humains animés par ordinateur dans les films.

L'inquiétante vallée de l'animation par ordinateur

"Pour les programmeurs, l'Uncanny Valley est le grand adversaire", affirme Pascal Bérard, ancien doctorant en infographie à l'EPFZ.

Bérard a lui-même participé, entre autres, à la création du personnage de Maz Kanata dans "Star Wars : The Force Awakens". Bérard ne peut pas révéler ce qu'il a exactement contribué. Mais il est fort possible que cela ait un rapport avec ses yeux.

Puis la vallée inquiétante : une chute dans le vide, juste avant la véritable perfection.

Regardez par exemple Homer dans "Les Simpson"" ou Mr. Incredible de "Les Incroyables".

Ce sont des personnages qui représentent des êtres humains. Malgré leur apparente inauthenticité, ils ne tombent pas dans l'Uncanny Valley. Pourquoi ? Parce que c'est justement cette évidence qui les empêche de l'être.

"Si le personnage est suffisamment simplifié, notre cerveau ne pense même pas que ce qui est montré est censé être une vraie personne", explique Bérard.

Plus l'animation est réaliste, plus l'esprit humain cherche à faire coïncider ce qui est montré avec la réalité. Il veut rendre réel ce qui ne l'est pas. Une lutte permanente. Selon Bérard, pas de problème tant que la lutte est unilatérale.

"Une copie qui est bonne, mais pas parfaite, a un effet repoussant", dit Bérard, "la comparaison constante avec la réalité arrache à l'histoire. La copie atteint l'exact opposé de ce qu'elle devrait être"
.

Les choses photoréalistes vs. les personnes photoréalistes

Parfois, les effets informatiques sont agaçants. Grâce à une puissance de calcul toujours plus grande, Hollywood a tendance à utiliser les images de synthèse plus comme une attraction que comme un outil.

L'esprit est beaucoup plus exigeant lorsqu'il s'agit d'animer des personnes.

Mais le visage en lui-même n'est pas la partie la plus difficile.

"Ce sont les yeux", explique l'ancien scientifique de Disney. Dès notre naissance, nous établissons un contact visuel. Surtout lorsque nous parlons à quelqu'un. C'est pourquoi notre esprit connaît l'œil sur le bout des doigts. Bérard : "C'est la première chose que l'on remarque sur un personnage animé par ordinateur s'il n'est pas parfaitement animé."

Vouloir simplement faire mieux ne suffit pas

La seule façon d'éviter l'Uncanny Valley est de faire en sorte que tout soit parfait. Les expressions faciales. Les muscles du visage. Les textures de peau. Le seul fait d'avoir un faux éclat sur le front peut être irritant.

Ou la géométrie de la forme du visage sous différents angles.

Chaque artiste numérique - les personnes qui programment les effets informatiques - interprète la réalité différemment. Cela se reflète dans l'animation. Ainsi, un artiste numérique a toujours une théorie qu'il met en pratique. Si le résultat n'est pas assez bon, il va voir ailleurs.

"Il est difficile de savoir exactement ce qui ne va pas", dit Bérard.

Parfois, c'est la lumière qui traverse la peau et qui est mal réfléchie par les différentes couches virtuelles de l'épiderme. Exemple parfait : Anthony Hopkins dans "Beowulf".

Parfois, l'absence d'un léger duvet, que nous avons tous, qui donne à la peau un aspect si caoutchouteux. Voir "Polar Express".

Ou des muscles faciaux qui réagissent mal autour des commissures des lèvres et des sourcils. Dans
"A Christmas Carol" bien vu.

Avec autant de paramètres, chercher une aiguille dans une botte de foin peut prendre du temps. Mais les délais pour les bandes-annonces et les premières doivent être respectés. A cela s'ajoute le budget : plus la programmation d'une scène prend du temps, plus elle coûte cher. Le temps devient une ressource critique. Les effets arrivent inachevés dans le film.

Comment éviter cela ? Selon Pascal Bérard, l'industrie travaille le plus souvent avec de la capture de mouvement et des images de référence.

D'abord, les mouvements et les traits grossiers du visage sont transférés sur un modèle informatique au moyen de marques sur le corps et de points sur le visage. Maz Kanata dans "Star Wars : The Force Awakens" était en réalité l'actrice Lupita Nyong'o avec des points et une caméra sur le visage.

Des photos sont ensuite prises dans une lumière similaire et sous différents angles. Souvent sur le plateau de tournage lui-même. Les programmateurs peuvent ainsi comparer leurs modèles informatiques avec la réalité. Par exemple, Hugh Jackman sur le plateau de "Logan".

Si le résultat final ressemble à celui d'Andy Serkis et de la trilogie "Planet of the Apes, personne ne parlera de Uncanny Valley. A la place, il y a des nominations aux Oscars.

Le résultat semble bon, mais aussi quelque peu effrayant.

"Il n'a évidemment pas été possible de faire des photos de référence avec Cushing dans une lumière similaire", a déclaré Bérard. Cela a constitué un obstacle supplémentaire à l'animation du Grand Moff Tarkin.

Le problème : les programmeurs peuvent voir que "quelque chose" ne va pas. Mais sans photo de référence où la réalité et la réplique peuvent être comparées 1:1, il est difficile de dire "ce qui" ne va pas.

Passerons-nous un jour la vallée sinistre?

La manière dont le matériel d'animation par ordinateur est utilisé est très importante. Dans les grands plans d'ensemble, où l'animation n'est pas le point central, mais le décor, il est beaucoup plus facile de tromper le cerveau et la perception. "Dès que les spectateurs ont l'occasion de regarder plus longuement et plus attentivement un visage animé par ordinateur, le trucage se remarque beaucoup plus vite", explique Bérard.

Une chose est sûre : l'Uncanny Valley est une bête qu'il faut encore apprivoiser. Mais au vu des progrès réalisés ces dernières années, ce n'est pas une impossibilité.

C'est de plus en plus grave. J'ai les cheveux qui se dressent sur la tête.

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J’écris sur la technologie comme si c’était du cinéma – et sur le cinéma comme s’il était réel. Entre bits et blockbusters, je cherche les histoires qui font vibrer, pas seulement celles qui font cliquer. Et oui – il m’arrive d’écouter les musiques de films un peu trop fort. 


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