Marvel Studios / Disney
Critique

« Thunderbolts » : quand Marvel retrouve enfin tout son sens

Censé n’être qu’un film bouche-trou, « Thunderbolts » incarne le salut d’un MCU qui était bien perdu. Cru, honnête et tordu, il s’avère bien plus fort que la majorité des dernières sorties.

Avertissement : cette critique de film ne contient pas de spoilers. Vous n’en apprendrez pas plus ici que ce que l’on sait déjà et que l’on peut voir dans les bandes-annonces. Le film est sorti au cinéma le 1er mai.

Avant les premières lignes de dialogue, Thunderbolts nous dit déjà tout ce qu’il faut savoir. La fanfare emblématique de Marvel retentit, puis les instruments se taisent les uns après les autres jusqu’à ce que le silence s’installe. Un vide qui pèse lourd sur les épaules, une obscurité totale. Et c’est dans cette plaie béante qu’apparaît Thunderbolts.

Je ne m’attendais pas à cela.

Ça, c’était ma tête quand je me suis rendu compte que « Thunderbolts » était en fait un bon film.
Ça, c’était ma tête quand je me suis rendu compte que « Thunderbolts » était en fait un bon film.
Source : Studios Marvel / Disney

Lorsque Marvel a annoncé Thunderbolts, ce film sur des personnages secondaires avait tout l’air de faire office de bouche-trou. Yelena, Ghost, Walker et le Red Guardian sont certes bien sympathiques, mais de là à faire un film sur eux...

Et pourtant, loin de s’avérer être une tentative mollassonne de donner du relief aux personnages secondaires, le film met en scène un véritable groupe de rock qui envoie. Il amuse, attriste et guérit, souvent en même temps. Et surtout, il redonne enfin une direction à l’univers cinématographique de Marvel.

Des âmes brisées en mission

C’est peut-être bien le point fort de ce film : Thunderbolts n’est pas une aventure sur papier glacé à la Captain Marvel ou Doctor Strange in the Multiverse of Madness, où l’histoire est soignée et mise en scène de manière opulente, mais où de nombreux conflits émotionnels restent à la surface. Ce film fait plutôt penser à une balade en enfer pour des âmes brisées.

Yelena Belova, Bucky Barnes, Red Guardian, Ghost, Taskmaster et John Walker traînent tous de nombreuses casseroles. Ils vont être envoyés par Valentina Allegra de Fontaine dans une mission qui constitue un véritable piège mortel.

Ce qui semble être une nouvelle opération secrète se transforme rapidement en une descente dans les recoins les plus sombres de leur passé. Chacun d’entre eux porte des cicatrices, certaines visibles, beaucoup invisibles. Tous ont fait des erreurs, se sont sentis coupables, ont été brisés par quelque chose. C’est ce qui fait la force de Thunderbolts : le film ne s’intéresse pas à ce dont sont capables ces héros cassés (« punching and shooting », comme le résume Yelena).

Il préfère se concentrer sur ce qu’ils sont devenus et sur ce qu’ils pourraient encore devenir.

Un groupe de personnes à problèmes forcées de travailler ensemble : une histoire qui n’a rien d’innovant, mais qui plaît toujours.
Un groupe de personnes à problèmes forcées de travailler ensemble : une histoire qui n’a rien d’innovant, mais qui plaît toujours.
Source : Studios Marvel / Disney

L’intrigue est suffisamment bien ficelée pour ne jamais ressembler à une pure construction. Ici, pas de chasse au MacGuffin ni de tentative de sauvetage d’une énième apocalypse. On se concentre sur quelque chose de beaucoup plus intime : la survie. Pas au sens littéral du terme, mais plutôt sur le plan émotionnel. Qui sait si ce désespoir ne pourrait pas donner naissance à un nouveau foyer ?

Le fait que ce soit justement ce groupe à problèmes qui devienne le dernier espoir ne donne jamais l’impression d’être une tactique facile. C’est parce que Thunderbolts a compris ce que le MCU a tendance à oublier : ce ne sont pas les pouvoirs ou les costumes qui nous font nous intéresser aux personnages, mais bien leurs cicatrices. Et ces antihéros en portent beaucoup.

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Sentry et le trou noir en nous

Thunderbolts s’efforce de ne jamais rester en surface. Derrière la carapace rugueuse, les répliques punchy, les combats magnifiquement mis en scène et le sarcasme assuré, quelque chose d’autre couve. Une noirceur qui ne s’efface pas facilement.

Tous les personnages du film portent ce vide en eux. Ce silence sourd qui engloutit tout, nourri de promesses non tenues, de sentiments de culpabilité et de désirs inassouvis. Ce n’est pas le genre de dépression qui appelle à l’aide, mais plutôt celle qui reste silencieuse et vous vide de votre énergie sans que vous vous en rendiez compte.

C’est précisément pour cette raison que le choix de l’antagoniste semble si cohérent : Sentry, alias Robert Reynolds, est un personnage relativement récent de l’univers Marvel, apparu au début des années 2000. Sa force est presque incommensurable, comparable à un million de soleils qui explosent. Mais ce pouvoir est indissociable d’une force obscure en son sein : le Void. Pour chaque bonne action que Sentry accomplit, le Void en oppose une autre tout aussi destructrice.

Le héros est ainsi prisonnier de son propre vide.

Yelena Belova (Florence Pugh) est au bord du gouffre dans tous les sens du terme.
Yelena Belova (Florence Pugh) est au bord du gouffre dans tous les sens du terme.
Source : Studios Marvel / Disney

Thunderbolts n’en fait pas un motif caché ni une allusion subtile. La métaphore est aussi évidente que voulue : la dépression est un véritable trou noir qui engloutit la lumière et l’espoir. Le tour de force du film, c’est d’avoir réussi à ne pas en faire un pathos bon marché ou un mélodrame exagéré. De petits gestes, de regards abattus, une hésitation avant de tendre la main pour dire « Je suis encore là »...

Personne n’incarne cet équilibre fragile de manière aussi impressionnante que Yelena Belova. Florence Pugh, une fois de plus fantastique, ne fait pas de Yelena une héroïne d’action cynique, mais bien le centre émotionnel du film. Sa façon de survivre à l’obscurité n’est pas héroïque, elle est humaine et vulnérable. À la fois pleine de bravade et d’une chaleur qui brille toujours brièvement, juste au moment où tout semble perdu.

C’est peut-être là la véritable vérité de ce film. Il ne s’agit pas de vaincre l’obscurité, mais plutôt de l’endurer et de lui tenir tête, tout en espérant, un jour peut-être, y trouver un peu de lumière.

« Absolute cinema » : la contre-attaque de Marvel

Et pourtant, Thunderbolts ne tombe jamais dans la lourdeur. Malgré la noirceur et les cicatrices intérieures, il reste cette sensation inimitable de groupe de rock brut, impétueux et chaleureux, qui nous avait déjà frappés en plein cœur sans crier gare en 2014 avec les Gardiens de la Galaxie de James Gunn.

Sauf qu’à la place des aventuriers de l’espace déjantés, on retrouve des marginaux brisés qui s’aident les uns les autres, se remettent en question et grandissent. Thunderbolts est bruyant, sale, drôle. Parfois triste, souvent hilarant, mais toujours honnête. Et si chaotique que c’en est presque agréable.

Peut-être est-ce dû au talent brut qui a été réuni devant et derrière la caméra. Les studios en ont d’ailleurs fièrement fait la promotion : une bande-annonce spéciale célèbre l’équipe composée de Jake Schreier, le réalisateur de Beef, Florence Pugh, star de Midsommar, mais aussi le directeur de la photographie de The Green Knight, les chefs décorateurs de Hereditary, ou encore les compositeurs de Everything Everywhere All at Once. Le tout sous l’étiquette « Absolute Cinema ».

Franchement, c’est du pur génie.

Réponse cinglante au réalisateur légendaire Martin Scorsese qui a qualifié les films de super-héros de Marvel de « parcs d’attractions », assurant que ce n’était « pas du cinéma ». C’est de cette déclaration qu’est né le mème « absolute cinema », une réponse ironique à cet écart : une célébration en forme de clin d’œil de la culture pop, qui ne fait jamais semblant d’être sérieuse, ce qui la rend justement parfois plus authentique qu’une prétention artistique pompeuse.

Thunderbolts en joue clairement dans cette bande-annonce sans détour, impertinente et quasiment sauvage. Je dis bravo.

Le film ne fait pas semblant d’être « edgy », surtout pour une production Marvel.
Le film ne fait pas semblant d’être « edgy », surtout pour une production Marvel.
Source : Marvel Studios / Disney

C’est un ADN qui se ressent. Les coins et recoins de Thunderbolts en font un film très éloigné de la splendeur habituelle des blockbusters. On sent bien battre son cœur sauvage et brut. Quand Yelena lance une réplique sèche et cynique, quand Red Guardian, en pleine crise de la quarantaine, oscille entre héroïsme et autodérision, ou quand le Soldat de l’hiver essaie juste de s’en sortir d’une manière ou d’une autre, on a l’impression que ce n’est pas écrit.

Mais plutôt que c’est vécu.

Comme un groupe de rock aussi bruyant et brisé qu’attachant, qui prend d’assaut la scène même si personne ne le lui a demandé. C’est ce qui donne envie de s’effondrer avec eux pour mieux se relever.

Bilan

Le film qui pourrait remettre le MCU sur les rails

Lorsque Marvel a annoncé « Thunderbolts » à l’été 2022, on a d’abord pensé à un film bouche-trou mettant en scène un groupe de personnages secondaires oubliés, quelque part entre l’embarras et le sens du devoir. Il s’avère finalement plein de cicatrices, plein de défis, plein de cœur. C’est un film qui ose là où d’autres se contentent de prétendre, et qui vit là où d’autres se contentent de fonctionner.

« Thunderbolts », c’est le son d’un groupe de rock brisé qui continue malgré tout à jouer. Ce film redonne enfin au MCU ce que j’avais été déçu de ne pas trouver dans « Captain America : Brave New World » : une vraie direction. Un mouvement vers l’avant. Une raison d’attendre avec impatience le prochain chapitre.

Ce film m’a rappelé pourquoi j’aime Marvel et pourquoi son univers cinématographique me fascine tant depuis dix ans. Espérons que Marvel s’en souvienne aussi.

Photo d’en-tête : Marvel Studios / Disney

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Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.» 


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