En coulisse

Pourquoi mange-t-on du popcorn au cinéma ?

Difficile d’imaginer un cinéma sans popcorn. Beaucoup estiment qu’une séance sans maïs soufflé engendre un sentiment d’inachevé. En fait, d’où vient cette relation fusionnelle entre le cinéma et ce délicieux en-cas ?

Haaa, le cinéma. On y trouve toujours à la caisse une personne en polo rouge, moyennement motivée à la tâche. Notre regard est ensuite attiré par une machine lumineuse, remplie de petits flocons blancs : le popcorn. Juste à côté de la machine se trouvent trois cornets de différentes tailles : petit, moyen et grand. Par ordre de prix, ça donne : cher, plus cher, encore plus cher. Le papier des cornets arbore un motif rouge et blanc. Une douce odeur de beurre flotte dans l’air. Le cornet dans une main, le porte-monnaie dans l’autre, on essaie à chaque fois tant bien que mal de payer, tout en faisant tomber au passage quelques grains de popcorn au sol. Le reste sera englouti durant les publicités. Quand le film commence, nous n’avons plus que nos doigts gras et salés pour pleurer.

Que serait une bonne vieille comédie, un interminable thriller ou un film familial Disney sans popcorn ? Après tout, une séance cinéma sans cet en-cas paraît tout de suite plus terne. La relation fusionnelle entre le popcorn et l’univers du cinéma n’a néanmoins pas toujours coulé de source. Au début, le maïs soufflé était même mal vu par les exploitants de cinémas.

Trop chic pour un en-cas

Dans la première partie du XIXe siècle, les marchands rapportèrent le popcorn d’Amérique du Sud, où le maïs soufflé y était déjà consommé depuis longtemps, dans les états de la Nouvelle-Angleterre, sur la côte nord des États-Unis. Il n’a ensuite fallu que quelques années pour que le popcorn devienne un en-cas prisé en Amérique du Nord. On trouvait même son nom dans le « Dictionary of Americanisms » de 1848. On pouvait acheter du popcorn dans les fêtes foraines, au cirque ou encore simplement dans la rue. L’invention d’un chariot à vapeur capable de griller du popcorn par Charles Cretor en 1885 permit au maïs soufflé de gagner encore plus en popularité. Tout à coup, le popcorn devint un produit facile à produire, peu importe le lieu. Le délicieux arôme qui emplissait les rues et attirait de nouveaux clients constituait un autre avantage de la machine à popcorn mobile.

La machine à popcorn mobile
La machine à popcorn mobile

On trouvait alors du popcorn partout, sauf dans les cinémas. À l’époque, ces derniers étaient encore plutôt luxueux, avec notamment un tapis rouge à l’entrée et des sièges ravissants, à l’image d’un théâtre. Manger durant le film n’était pas seulement interdit par peur de tacher le mobilier, mais aussi pour éviter les désagréables et distrayants bruits de mastication. N’oublions pas qu’en ce temps, le film muet dominait et le spectateur devait donc lire les intertitres pour comprendre l’œuvre. Or, à l’époque, tout le monde ne possédait de loin pas d’excellentes compétences en lecture. Les films muets s’accompagnaient d’une musique jouée par un orchestre ainsi que d’intertitres, afin de donner vie au long métrage et d’en expliquer l’histoire. Le cinéma souhaitait conserver son image d’activité bourgeoise et destinée aux gens cultivés, d’où le refus des en-cas.

Les crises viennent tout chambouler

L’arrivée du cinéma sonore, mais aussi la Grande Dépression de 1929, transformèrent un lieu jadis élitiste en un endroit où se côtoient toutes les classes sociales : le cinéma devint alors un « petit luxe » accessible à la majorité des gens. Ces derniers pouvaient même se permettre d’acheter un cornet de popcorn, qui coûtait alors aux États-Unis entre 5 et 10 centimes. Les vendeurs de rue comprirent rapidement le potentiel de ce produit et s’installèrent avec leur machine à popcorn mobile devant les cinémas.

Si au début, ce commerce s’apparentait à une forme de contrebande, les exploitants de cinéma finirent par céder et autorisèrent les vendeurs de rue à vendre du popcorn directement dans le hall d’entrée, en échange d’une petite redevance. Les exploitants ne mirent pas longtemps à réaliser qu’ils pourraient multiplier leurs bénéfices en écartant cet intermédiaire : ils commencèrent alors à vendre leur propre popcorn. En ces temps difficiles de crise économique, les revenus générés par cet en-cas permirent même la survie de nombreux cinémas.

C’est finalement durant la Seconde Guerre mondiale que le cinéma et le popcorn devinrent inséparables. Durant ce conflit, le sucre était une denrée rare et en conséquence rationnée, provoquant la presque disparition des en-cas sucrés : le popcorn salé avait maintenant un boulevard devant lui. En 1945, près de la moitié du popcorn consommé aux États-Unis l’était dans les cinémas.

Le popcorn sied à merveille aux grands cinémas, mais quid des petits ?

Il est en Suisse également difficile de dissocier cinéma du popcorn, du moins pour les grands cinémas. Dans un article du NZZ, un exploitant de cinéma confirme que la nourriture et les boissons rapportent bien plus que la vente des billets d’entrée : À l’inverse des revenus générés par les billets, ceux issus des sodas et autres en-cas sucrés/salés ne doivent en effet pas être partagés avec les distributeurs. Un popcorn très bon marché à l’achat peut être vendu avec une énorme marge aux clients des salles de cinéma. En outre, le sel donne soif et permet ainsi d’augmenter les ventes de boissons. Les cinémas helvétiques proposent même un entracte à la moitié du film afin que les spectateurs puissent se rendre aux toilettes ou dépenser leur argent en sodas et autres en-cas.

En revanche, les petits cinémas, portés sur les films d’auteur et donc plus pointilleux quant à la qualité des œuvres projetées, ne proposent la plupart du temps pas de popcorn. Le cinéma Neugass Kino AG ne propose ce produit que depuis quelques années : « Il était pour nous clair que nous ne voulions pas d’une machine à popcorn, en particulier à cause des odeurs qui se propagent partout dans le cinéma. Il a fallu attendre longtemps avant qu’un popcorn « prêt à l'emploi » et emballé corresponde à nos exigences », précise Daniela Küttel, responsable d’exploitation et membre de la direction. L’odeur est apparemment devenue un problème.

Cette même odeur qui fit jadis la fortune des vendeurs de popcorn et a su séduire les clients des salles obscures.

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Élargir mon horizon: voilà comment je résumerais ma vie en quelques mots. J'aime découvrir de nouvelles choses et en apprendre toujours plus. Je suis constamment à l'affût de nouvelles expériences dans tous les domaines: voyages, lectures, cuisine, cinéma ou encore bricolage. 


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