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Photos officielles du Conseil fédéral 1993-2021 : les portraits de groupe sont difficiles

David Lee
4/1/2021
Collaboration: Thomas Kunz

Les photos du Conseil fédéral sont des photos d'employés. Ces images ne se contentent pas de montrer les gens, mais véhiculent une certaine image. La tradition de près de 30 ans de la photo du Conseil fédéral montre que l'on peut facilement faire des erreurs.

Comme chaque année, le Conseil fédéral présentera une nouvelle photo de groupe pour le coup d'envoi de l'année 2021. J'étais curieux de voir ce qu'il allait trouver en ces temps particuliers. Photo de groupe avec masque ? Des cloisons en plexiglas ? Capture d'écran d'une session virtuelle ? Non, la solution à une photo de groupe avec distanciation sociale est beaucoup plus simple : un montage photo. Vu les circonstances particulières, cela ne me dérange même pas particulièrement que les personnes soient si manifestement retouchées. Mais avant la pandémie de Corona, cela m'aurait beaucoup gêné.

La tradition de la photo officielle du Conseil fédéral existe depuis 1993. La première tentative est extrêmement simple : les sept conseillers fédéraux et la chancelière fédérale s'alignent devant la salle de réunion, puis un petit « souriez s'il vous plaît », le flash projette une ombre sur le mur, et c'est tout. Dès le début, cependant, on s'efforce de ne pas le faire de la même manière chaque année. Entre-temps, les différentes photos du Conseil fédéral ont reflété un éventail d'idées passionnantes et variées.

Toutes n'étaient pas bonnes. Dans l'aperçu suivant, je ne me contente pas de montrer les photos, mais je donne également quelques réflexions sur ce qui aurait pu être mieux fait d'un point de vue photographique. À cette fin, j'ai eu un échange avec notre photographe Thomas Kunz. Nous considérons les photos du Conseil fédéral comme un cas particulier de portraits d'employés, ou plus précisément, un portrait de groupe. Comme nous le savons tous, il existe un certain nombre d'exemples médiocres, voire même embarrassants. « Les portraits de groupe sont l'une des choses les plus difficiles à faire », dit Tom.

Comment la photo du Conseil fédéral voit le jour

Le fait que les photos du Conseil fédéral soient si différentes s'explique par le fait qu'elles sont commandées par un membre différent du Conseil fédéral chaque année ; le président ou la présidente de la Confédération. Le titulaire de ce poste change chaque année.

Au cas où vous ne connaîtriez pas les tenants et aboutissants du gouvernement suisse, il fonctionne de manière fondamentalement différente de la plupart des gouvernements nationaux dans le monde. La Suisse n'a ni chef de gouvernement ni chef d'État. Le gouvernement est composé de sept membres à droits égaux, qui prennent les décisions ensemble. Le président fédéral n'a pas vraiment de privilèges spéciaux, mais il assume des devoirs de représentation. Et quoi de plus représentatif qu'une photo officielle du Conseil fédéral ? Il est devenu habituel pour le Parlement d'élire la personne qui a attendu le plus longtemps pour remplir ce poste.

En plus des sept visages familiers, il y en a toujours un qui ne l'est pas : le chancelier ou la chancelière de la Confédération. Cette personne dirige la Chancellerie fédérale et donc toute l'organisation dont le Conseil fédéral a besoin. Elle est présente aux réunions du Conseil fédéral auxquelles personne d'autre n'a accès. Fait amusant : la fonction de Chancelier de la Confédération existe depuis plus longtemps que le Conseil fédéral.

Être un professionnel est bien, mais ce n'est pas le plus important

Dans le cas des portraits de groupe, la dépense de temps et d'argent est souvent sous-estimée ou redoutée. L'argent devrait poser moins de problèmes au Conseil fédéral, mais les prises se déroulent avec un planning très serré. En 2014, le duo de photographes Dominic Büttner et Béatrice Devènes n'a eu que huit minutes pour prendre des photos du Conseil fédéral très occupé. Par conséquent, le décor a auparavant été testé avec des figurants.

En dépit d'un budget certainement généreux, même le Conseil fédéral de 2019 a fait l'impasse sur le photographe professionnel et a préféré faire appel à quelques apprentis. La section des photographes de l'association des journalistes « Imprint » n'a pas trouvé cela drôle du tout. Logique, la mentalité « oh, Philipp du troisième étage y arrive aussi » conduit non seulement à une perte de qualité, mais est aussi une menace pour la profession de photographe.

Cependant, Tom et moi pensons tous deux que dans ce cas particulier, le résultat est quelque chose dont nous pouvons être fiers. C'est clairement l'une des meilleures photos du Conseil fédéral. Et je ne pense pas non plus que les considérations économiques aient été au premier plan pour le choix du photographe. L'inclusion des jeunes fait plutôt partie d'une idée globale.

La photo a été prise avec un smartphone. C'était la seule exigence fixée par le président de la Confédération suisse de l'époque, Ueli Maurer. Les sept apprentis en médiamatique avaient carte blanche pour tout le reste. Le fait qu'il y en ait eu exactement sept n'est certainement pas une coïncidence ; un travail d'équipe des deux côtés. Sur la photo, les sept membres du Conseil fédéral font face au public, également représenté par sept jeunes. Ueli Maurer photographie le public et la personne qui regarde la photo. La prise est donc mutuelle. Le symbolisme derrière tout cela est clair : vous aussi, êtes important. Ce message est crédible dans la mesure où Maurer a laissé les apprentis faire leur travail et leur a donc confié une grande part de responsabilité.

Le fait que l'image aurait été plus nette et moins bruyante avec un « vrai » appareil photo est secondaire dans ce contexte. Un bon équipement et un professionnel expérimenté au travail sont un avantage, mais pas le facteur décisif. L'essentiel est d'avoir une idée qui fonctionne au niveau du concept et qui peut aussi être mise en œuvre dans la pratique.

Raide, crispé ou naturel ?

Les premières photos du Conseil fédéral des années 90 semblent très raides. Tout d'abord, les membres du gouvernement sont tous alignés, créant un ordre presque militaire. Surtout la première photo où tout le monde tient ses mains exactement de la même façon.

En 1996, on observe une certaine variation dans la position des mains, ce qui donne un effet un peu plus décontracté.

Les mains ; un thème récurrent dans le domaine de la photographie de portrait. Que faire avec ses mains ? Si les politiciens sont photographiés dans une conversation, ce n'est pas un problème. Ils utilisent leurs mains naturellement pour soutenir leur rhétorique. Mais sur les premières photos de groupe, les conseillers fédéraux se tiennent là, tous raids comme des piquets.

Dans la photographie de portrait, il y a deux astuces courantes pour ce problème. La première consiste à mettre un objet dans la main de quelqu'un et la deuxième est que la personne prise en photo s'appuie à quelque chose. Cela a été partiellement mis en œuvre dans la photo de 1995. Les trois personnes qui se tiennent derrière le canapé peuvent s'y appuyer. Cela semble plus ou moins naturel. La situation est entièrement différente pour les messieurs assis au premier plan : leurs mains semblent crispées.

Pour y remédier, les conseillers fédéraux auraient probablement dû essayer différentes postures sous la direction du photographe. Mais cela n'aurait pas été facile, car il n'y a pas assez de place pour que les personnes puissent s'asseoir confortablement. Si quelqu'un avait le canapé pour lui tout seul, il pourrait facilement s'asseoir sur le côté, poser un bras sur le dossier et croiser les jambes. Mais entassés comme ça, les trois ne peuvent même pas s'appuyer au dossier, sinon ils coinceraient les mains des personnes debout.

À titre de comparaison, la photo de 2020 : chaque personne assise dispose de sa propre chaise et de suffisamment d'espace pour adopter une posture confortable. Cela rend les postures beaucoup plus naturelles. Mais, ici aussi, les dossiers manquent à l'appel.

Le problème des mains est parfaitement résolu dans la photo du Conseil fédéral de 2015. Deux personnes se parlent, dans un environnement adapté. Les mains prennent ainsi d'elles-mêmes une position naturelle.

C'est la première, et jusqu'à présent la seule, photographie montrant les sujets en activité. Par conséquent, à l'exception de la présidente Sommaruga et du vice-président Schneider-Amman, ils ne regardent pas l'appareil photo.

La symbolique

Ne pas s'adosser, ne pas mettre les mains dans les poches : ces postures d'apparence plutôt raide ont probablement été adoptées délibérément pour ne pas paraître trop décontracté, voir paresseux. Les hommes politiques de l'exécutif ont généralement un sens aigu de la symbolique du contenu présent dans leurs apparitions.

C'est pourquoi les différents présidents de la Confédération commandent des concepts très différents. Alors que Maurer a privilégié le thème du smartphone, pour s'imposer sur le sujet de la numérisation, Schneider-Amman se met en scène comme promoteur de l'économie et choisit une usine comme décors pour la photographie.

Les photos de 1998 et 2008 me semblent très contrastées. Sur la photo la plus ancienne, les exécutifs sont assis sur le toit du Palais fédéral et semblent diriger les sujets d'en haut. En 2008, par contre, le Conseil fédéral se mêle au peuple et regarde l'appareil photo avec révérence.

Peut-être que j'interprète mal la photo de 1998 ; le président Flavio Cotti a probablement voulu exprimer quelque chose qui ressemble plus à « prendre du recul ». La symbolique est une chose délicate : si elle est trop claire, elle est maladroite, mais si elle manque de clarté elle peut être mal comprise.

Et puis, nous avons la symbolique que je ne comprends pas du tout : par exemple celle pour la photo de 2010.

C’est quoi ce binz ? Pourquoi le Palais fédéral est-il pixélisé ? Est-ce quelque chose d'indécent qui ne doit pas être montré ? Peut-être l'indécente richesse suisse ? Un bâtiment fédéral construit en or nazi ? N'importe quoi. Est-il pixélisé parce qu'autrement la vie privée de la façade serait violée ? Je ne pense pas non. Ou peut-être que la beauté du Palais fédéral non pixélisé ferait de l'ombre à la présidente Doris Leuthard ? Pas vraiment. Il est vrai que la pixélisation grossière fait ressortir plus clairement les personnes, mais le photographe aurait pu y parvenir avec une profondeur de champ normale.

Il nous reste la supposition que le Conseil fédéral voulait, d'une certaine manière, paraître moderne et numérique avec un arrière-plan pixélisé. Mais cela aurait probablement eu l'effet inverse. L'idée que « numérique = pixélisé » était déjà de l'histoire ancienne en 2010.

Sept ans plus tard, Doris Leuthard est à nouveau présidente. Cette fois encore, elle montre une volonté d'expérimenter. Pour cette photo, je pense avoir compris la symbolique, mais ne la trouve pas appropriée.

Au lieu d'avoir une photo de groupe, nous voyons des têtes individuelles. Il n'y a donc pas de problèmes de mains et de postures rigides. On évite également d'avoir un mur de costumes. Même le placement des personnes, qui, en règle générale, n'est jamais vraiment optimal, est beaucoup plus facile. Et si un conseiller fédéral démissionne, un nouveau montage photo se fait rapidement. En effet, Didier Burkhalter a démissionné et il existe donc une deuxième version de cette photo avec Ignazio Cassis.

Malgré ces avantages, je pense que l'idée est fausse. En plus de la photo de groupe, des portraits individuels sont toujours pris. La photo de groupe doit rester une véritable photo de groupe. Vers l'extérieur, le Conseil fédéral se présente comme une équipe unie, n'ayant qu'une seule voix, même si ses membres proviennent de différents partis politiques. Quiconque soutient ce principe de collégialité devrait également l'exprimer par une image appropriée.

Le style et le contenu doivent aller de pair

En termes de style, la photo du Conseil fédéral avec les différentes têtes me rappelle la pochette du disque Queen II. Je ne sais pas si c'était intentionnel. En tout cas, le Conseil fédéral ne devrait pas essayer de se présenter comme un groupe de rock, car cela ne serait tout simplement pas crédible. Une symbolique manquant de crédibilité devient vite ridicule.

De nombreuses photos du Conseil fédéral souffrent d'une divergence entre forme et contenu. Prenons celle de 2012 : en arrière-plan se trouve le tableau Le printemps de la série Les Quatre Saisons du peintre suisse Franz Gertsch. Dans le communiqué de presse de la Confédération, il est écrit : « Le printemps est la saison du renouveau, une image particulièrement bienvenue au début d'une nouvelle législature : les décisions politiques d'aujourd'hui auront des conséquences demain. La photo symbolise l'engagement du Conseil fédéral actuel pour l'avenir. »

Cela sonne bien, sauf que la photo ne rend pas justice à ce qui est dit. Le style de la peinture n'est ni moderne ni futuriste. Si au moins on pouvait voir le bout de chemin ascendant qui pourrait peut-être être interprété comme de l'espoir ou un nouveau départ ; mais cette partie du tableau est cachée par les personnes se tenant devant. L'ensemble de la photo semble très statique, avec des angles droits partout. Même le pantalon de Widmer-Schlumpf est perpendiculaire au tableau et au parquet. Pour moi, cela ressemble plus à une hivernation qu'à un réveil printanier.

Authenticité : se présenter tel qu'on est

Le fait que les photos du Conseil fédéral sont massivement retouchées est un secret de Polichinelle. Ainsi, dans une version antérieure de la photo de 2015, Doris Leuthard apparaissait avec un double collier. Sur la photo de 2020, Tom diagnostique un « heavy photoshopping » : les visages auraient tous la même luminosité de gauche à droite, ce qui est irréaliste avec un éclairage latéral. De plus, le projecteur montré n'a aucun effet sur les personnes.

Bien sûr, de telles choses ne sont dérangeantes que si elles sont repérées, et pour ce faire, un œil entraîné est nécessaire. La photo doit paraître réelle, mais ne doit pas nécessairement l'être. Cependant, plus l'image est retouchée par la suite, plus elle risque de perdre en réalisme.

C'est pour cela que la photo de 2008, le bain de foule montré ci-dessus, me pose problème. Elle est certainement réelle, mais n'en a pas l'air. Je ne trouve pas de preuve évidente pour un photomontage. Mais les personnes semblent être réunies dans un collage. Le problème principal : même dans cette masse hétérogène, les conseillers fédéraux sortent encore du lot. Peut-être parce qu'ils regardent directement l'appareil photo alors que tous les autres regardent ailleurs. En tout cas, on ne donne pas l'impression que les conseillers fédéraux font partie de la population « normale ». L'objectif de « transmettre une proximité avec le peuple » a, à mes yeux, échoué.

Je remarque que le Conseil fédéral échoue régulièrement lorsqu'il essaie de se donner une image moderne et tournée vers l'avenir. Le Palais fédéral pixélisé existait également en version 3D, et la photo de 2018 existe malheureusement aussi en GIF animé.

En dehors du fait que l'image tremble, le tout semble involontairement drôle. Cela me rappelle la toile de fond d'un théâtre pour enfants ou l'introduction du Flying Circus des Monty Python. Je dirais qu'Alain Berset, président de la Confédération de l'époque, n'avait aucun des deux éléments à l'esprit.

Les photos de 2011 et 2013, en revanche, sont très proches de la devise «Retour aux sources » : le Conseil fédéral pose à nouveau devant sa salle de réunion comme en 1993. Bien que l'idée soit ennuyeuse, ces photos sont assez bien. C'est sans doute parce que les membres du Conseil fédéral se sentent à l'aise et en sécurité dans cet environnement familier. Bien sûr, on peut faire quelque chose de nouveau à partir du même décor : 2011 arrive en format portrait, 2013 en perspective latérale et un peu plus rapprochée. Les deux sont nettement meilleures que la version de 1993.

Les leçons à tirer des nombreuses photos officielles du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral étant un groupe très représentatif, la symbolique joue un rôle majeur. Chaque détail peut être interprété d'une certaine manière. Ce phénomène est moins prononcé dans le cas des portraits de groupe en entreprise, de clubs ou d'amis, mais même dans le cas du Conseil fédéral, il est conseillé de réfléchir au message exact que doit transmettre la photo.

Si, pour l'équipe, le message à transmettre est clair, elle doit également se demander si elle peut le véhiculer de manière crédible. Prenons l'exemple du Conseil fédéral dans la foule : le message est bon, mais il est très difficile de le mettre en œuvre sans qu'il semble artificiel.

Important pour tous les portraits : les personnes doivent se sentir à l'aise. Le lieu où la photo est prise joue là aussi un grand rôle. Le regard des membres du Conseil fédéral montre qu'ils se sentent en sécurité devant leur propre salle de réunion et semblent relativement détendus. Quelque chose d'ennuyeux peut donc donner un meilleur résultat qu'un test super cool. Le décor détermine également si les gens sont capables d'adopter une posture confortable et une position des mains naturelle. Ce facteur devrait impérativement être pris en considération pour le choix de l'emplacement.

À mon avis, il n'y a aucune leçon à tirer de la photo actuelle. Il s'agit simplement d'une mesure provisoire dans une situation d'urgence. Espérons que des portraits de groupe normaux seront bientôt à nouveau possibles.

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Mon intéret pour l'informatique et l'écriture m'a mené relativement tôt (2000) au journalisme technique. Comment utiliser la technologie sans se faire soi-même utiliser m'intéresse. Dans mon temps libre, j'aime faire de la musique où je compense mon talent moyen avec une passion immense. 


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