
En coulisse
Qui est Mary Sue ?
par Luca Fontana
La plupart des gens sont d'accord : Rey de « Star Wars » est une Mary Sue parce qu'elle est pratiquement infaillible et invincible. Peut-on faire le même reproche à Luke Skywalker ?
Qu'est-ce qu'une Mary Sue ? Une Mary Sue est un personnage qui, sans autre explication, est invincible, infaillible et aimé de tous à tous les égards. Il ne se développe pas, ne surmonte pas ses faiblesses et n'évolue pas après ses échecs ; normal, une Mary Sue est parfaite.
Comme Rey dans « Star Wars ».
Les discussions sur les personnages Mary Sue dans la colonne des commentaires en réponse à l'article ci-dessus sont géniaux. Et la discussion entre les lecteurs georgf et rithar m'a inspirée pour faire cet article. Un grand merci à toi, chère communauté.
Avons-nous vu les mêmes films ? Pas de défaites ? Je ne vois les choses de cette manière. Au fait, à mon avis, il y a aussi Luke qui pourrait rentrer dans la catégorie « Mary Sue ».
La réponse :
@georgf désolé, mais le concept d'une Mary Sue est complètement différent de ce que tu décris dans les domaines pertinents. Luke est un « élu » – @Luca Fontana écrit quelque chose à ce sujet.
En effet, Luke Skywalker se rapproche dangereusement de la définition d'un personnage Mary Sue. Surtout dans « Star Wars : Episode IV ». Là, Luke n'est qu'un simple garçon dans une ferme d'humidité sur Tatooine, qui détruit l'Étoile de la Mort et devient le héros de la rébellion. En quelques jours. Ça sent la Mary Sue.
Mais les apparences sont trompeuses, tout du moins à mes yeux. Voyons voir...
Petit rappel : voici les caractéristiques typiques d'un personnage Mary Sue :
1er point : dans « Star Wars : Episode IV », Luke n'a qu'une seule capacité définie qui le rend supérieur ; c'est un pilote exceptionnel. Nous le savons grâce à Biggs Darklighter, le meilleur ami de Luke, qui s'est porté garant de Luke devant le commandant Garven Dreis avant la bataille de Yavin.
« Monsieur, Luke est le meilleur pilote de brousse. »
Nous trouvons une explication à cela dans le lien de Luke avec la Force : il est le fils d'Anakin Skywalker, le grand guerrier Jedi qui est mort pendant la Guerre des Clones, comme le Maître Jedi Obi-Wan Kenobi le racconte à Luke – sans oublier de faire allusion aux qualités de pilote d'Anakin qui ont évidemment été transmises à Luke.
Et Rey ?
C'est une pilleuse d'épaves, cela est certain. Mais on ne sait pas d'où elle tient son talent extraordinaire de pilote, pourquoi elle ferait aussi une bonne mécanicienne de vaisseau spatial ou comment il lui est venu à l'idée de manipuler les pensées des autres grâce à la Force ; tout cela n'a jamais été expliqué. Ce sont des compétences qu'elle possède tout simplement parce que la situation l'exige.
2e point : Luke fait des erreurs. La première est qu'il a laissé R2-D2 le piéger en retirant un boulon. Le petit droïde astromécano parvient ainsi à s'échapper. En tentant de réparer son erreur, Luke est manipulé par des Tusken, mais est sauvé par Obi-Wan. Il aide à nouveau Luke à se sortir du pétrin un peu plus tard lorsqu'il se retrouve dans une bagarre dans la Cantina Mos-Eisley. Luke ne se serait pas échappé du compacteur à ordures sans l'aide des droïdes. Et la destruction de l'Étoile de la Mort n'aurait pas été possible pour le jeune Skywalker s'il n'avait pas eu Han Solos pour le soutenir.
Luke n'est ni infaillible ni invincible.
Rey, en revanche, ne fait pas d'erreurs. La pilleuse d'épaves vivant dans la pauvreté refuse même de vendre BB-8 à Unkar Plutt, alors qu'il lui offrirait une fortune. Rey y renonce volontairement. Pour un droïde qu'elle n'a jamais vu auparavant. Pourquoi ? On ne le sait pas. Mais cela nous montre à quel point elle est moralement infaillible. Le Luke pleurnichard du début qui veut juste aller chercher des convertisseurs d'énergie à la station de Tosche avec ses amis est beaucoup moins héroïque.
Rey n'a jamais besoin d'aide et se libère toujours seule des situations dangereuses. Même Kylo Ren, le fils de Han Solo, n'arrive pas à la cheville de Rey.
3e point : Luke n'est pas aimé de tous les personnages. Du moins, pas immédiatement. Au début, R2-D2 ne se soucie guère de Luke et le piège même pour rejoindre Obi-Wan. Leia n'est pas non plus tout feu tout flamme pour le « petit » Skywalker. Et Han Solo n'éprouve que mépris et moquerie à son égard.
Rey, en revanche, est apprécié par BB-8, Finn et même Han Solo. Comme ça, sans rien faire. Maz Kanata, que Han décrit comme grincheux, sympathise immédiatement avec Rey. Et après la mort de Han Solo, Leia laisse même son ami de longue date Chewbacca derrière elle – pour serrer Rey dans ses bras. Notons qu'à l'heure actuelle, Leia et Rey ne se sont jamais rencontrées.
Mais cela ne veut pas dire que je n'aime pas Rey en tant que personnage. Je l'aime même beaucoup. C'est peut-être parce que Daisy Ridley est une actrice incroyablement sympathique. Peut-être aussi parce qu'elle dégage tout de même un peu de vulnérabilité. Mais – et je veux être juste – peu importe comment je le tourne, cher lecteur Marky Mark : Rey est une Mary Sue.
Luca, de quoi tu parles, franchement ? Rey est absolument époustouflante, j'adore ce personnage ! Cinq pouces vers le bas pour toi !
Luke n'est ni une Marie Sue ni un « Élu » (désolé rithar). Ce dernier serait une personne dotée de talents ou de dons particuliers qui serait destinée, par une prophétie ou autre, à accomplir une certaine tâche héroïque. Anakin Skywalker, par exemple.
Luke n'est pas un élu, mais un « everyman », une personne comme les autres. Et son histoire décrit les étapes habituelles de ce que l'écrivain irlandais James Joyce (1882 - 1941) appelait monomythe.
Laissez-moi vous l'expliquer.
Bien que le terme « monomythe » remonte à James Joyce, ce n'est que grâce aux recherches du mythologue américain Joseph Campbell (1904-1987) que le terme est devenu populaire. Dans son livre « The Hero with a Thousand Faces » (Le Héros aux mille et un visages) publié en 1949, il décrit les étapes habituelles du voyage du héros telles qu'elles ont été transmises dans les mythologies et les légendes depuis des centaines d'années et servent encore de modèle à de nombreux auteurs hollywoodiens.
Le point de départ est le monde familier, ennuyeux ou inadéquat du héros. Le héros reçoit bientôt un appel à l'aventure. Dans un premier temps, il le décline. Un mentor le persuade de quand même faire le voyage : l'aventure commence. Bientôt, il n'y aura plus de retour en arrière. Le héros est mis à l'épreuve pour la première fois et rencontre alliés et ennemis. Il pénètre maintenant dans la grotte la plus profonde – le point le plus dangereux. En chemin, il perd son mentor ; le héros est désormais livré à lui-même. L'épreuve décisive a lieu : la confrontation. Le héros se dépasse, l'ennemi est vaincu. Grâce à cette aventure, la personnalité du héros a mûri.
Cette situation vous évoque un déjà-vu ?
Dans le documentaire Star Wars "Empire of Dreams" – qui est diffusé sur Disney+ et qui est le meilleur documentaire sur la Guerre des Étoiles de tous les temps – George Lucas admet ouvertement qu'il a été influencé par le travail de Campbell lorsqu'il écrivait « Star Wars ».
Mais qu'est-ce qui fait de Luke un « everyman » ?
Au début, le personnage de Luke est tout ce qu'il y a de plus normal ; ce qui est voulu. C'est un garçon sur une vaste planète désertique avec de grands rêves qui ne se sont pas encore réalisés. Il ne doit pas paraître supérieur ou hautain. Luke doit être comme vous et moi. Comme une personne avec laquelle on s'identifie facilement et avec laquelle on sympathise. C'est-à-dire une personne quelconque. Qui était son père et ce qu'il a pu lui laisser ne vient que beaucoup plus tard.
Au fait, l'« everyman » est une combine narrative que j'ai également décrite dans mon article sur le personnage de Neo dans « The Matrix ».
Le développement du personnage de Rey commence de la même façon. Mais dans chaque situation dangereuse, elle a de nouvelles capacités qui n'ont jamais été expliquées auparavant. En tant que pilleuse d'épaves, elle vole comme un as du pilotage, répare les vaisseaux spatiaux en un rien de temps et bat dans son tout premier combat au sabre laser Kylo Ren, qui a été personnellement entraîné par Luke Skywalker depuis son enfance. Cela ne fait pas d'elle un Everyman, mais une Mary Sue.
En d'autres termes, si Luke était un personnage de jeu, il commencerait au niveau zéro. Il se lance sans cesse dans des combats qu'il perd parce que son niveau de puissance est encore trop bas. Que ce soit avec les Tusken dans l'« Épisode IV », dans la lutte contre Vader dans l'« Épisode V » ou dans la salle du trône de l'empereur dans l'« Épisode VI ». Ce n'est que grâce à l'expérience acquise qu'il atteint le niveau requis pour gagner.
Rey, en revanche, ne monte pas en niveaux. Elle a déjà les compétences nécessaires pour gagner. Depuis le début.
Elle triche.
Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»