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Qui a vraiment besoin des Blu-ray UHD ?
par Luca Fontana
Le film Retour vers le futur était disponible en vinyle. Non, pas la bande-son, mais bien le film. Cependant, le disque vidéo était condamné dès son apparition.
Vous n’avez jamais entendu parler des MII ? C’est normal. Cet objet fut un échec retentissant. En Europe, il ne resta sur le marché que quelques mois, une durée très faible comparée au temps de développement : il aura fallu attendre 17 ans entre l’idée et la commercialisation.
CED constitue l’abréviation de Capacitance Electronic Disc. Il s’agit d’un disque qui fonctionne sur un principe similaire à celui du disque vinyle. Ce dernier joue néanmoins une vidéo au lieu d’un son, un vinyle vidéo donc.
Pour la société qui l’avait développé, le CED signifiait la fin.
L’histoire voit le jour dans les années 60. Les vinyles étaient très populaires et répandus à cette époque. Même les gens qui ne roulaient pas sur l’or pouvaient acheter et écouter de la musique de cette manière. Dans les années 60 aux États-Unis, la plupart des ménages disposaient déjà d’une télévision. Les films à regarder sur son téléviseur ne connaissent alors presque aucun succès commercial. Il semblait donc évident d’appliquer le principe du vinyle à la vidéo.
La société états-unienne d’électronique RCA commença à développer un tel disque vidéo en 1964. Elle n’attribua néanmoins pas des fonds énormes à ce projet : seules quatre personnes furent engagées. Le problème était pourtant compliqué à résoudre : si l’on voulait appliquer le principe du vinyle aux vidéos, de grandes quantités d’informations devaient être transmises. Pour ce faire, une largeur de bande au moins 150 fois plus élevée que celle d’un vinyle classique (pour le son) était nécessaire.
Pour atteindre la densité d’information nécessaire, un vinyle vidéo devait tourner beaucoup plus vite et les sillons devaient être bien plus petits. En partant de ce constat, l’objet devenait sujet aux erreurs et problèmes techniques : les vinyles s’usaient avec le temps. Plus le sillon était petit et plus ce problème gagnait en importance. Le micro pouvait très facilement sortir du sillon et le disque devenait alors injouable. RCA appliqua donc aux vinyles une fine couche de silicone qui servait de lubrifiant.
En 1973, près de 9 ans après le début du développement, RCA disposait d’un prototype prêt à être testé. Ce vinyle ne pouvait stocker que 10 minutes de vidéo, un chiffre bien trop bas. En effet, le but était de compresser sur vinyle des longs métrages qui duraient plus d’une heure.
À ce moment-là, bien plus que 4 personnes devaient travailler sur le projet : l’ensemble du développement du CED aurait coûté 600 millions de dollars à RCA.
En Europe, un projet de développement similaire était déjà en cours d’achèvement en 1970. Le « disque de télévision », TED en abrégé, fit son arrivée sur le marché. Mais il présentait peu ou prou les mêmes problèmes que le prototype de RCA : sa capacité de stockage était bien trop faible et les vinyles bien trop fragiles. Le TED disparut à nouveau des radars.
Pendant ce temps, RCA continuait de bricoler. Les sillons devaient encore devenir plus petits. L’entreprise travaillait alors sur un vinyle qui n’était pas constitué exclusivement de chlorure de polyvinyle (PVC) comme disque normal, mais qui était aussi renforcé par de la fibre de carbone. Cette dernière constitue un excellent conducteur, qualité nécessaire pour que le balayage fonctionne différemment avec le CED qu’avec un vinyle. Les disques devaient enfin être enfermés dans une boîte en plastique, car le moindre grain de poussière pouvait endommager gravement le vinyle. Le disque était poussé dans le lecteur avec le boîtier, qui retirait le disque pour le fonctionnement et le rangeait à l’intérieur avant de l’éjecter. L’utilisateur n’entrait jamais en contact avec le disque lui-même.
Même avec ce mécanisme de protection, le CED restait très sensible aux interférences dues à la saleté et à l’usure.
Les disques vidéo s’avéraient beaucoup plus complexes que les disques vinyle classiques. Néanmoins, le CED possédait quelque chose en commun avec le vinyle : les deux devaient être tournés sur la face B à la moitié de l’enregistrement, à la différence que la boîte en plastique entourant le DI était vraiment très peu pratique.
Malgré les difficultés évidentes, RCA n’abandonna pas et finit par réussir : Le CED fut lancé sur le marché, mais pas avant 1981. Il était à ce moment-là déjà trop tard.
La cassette VHS était commercialisée au Japon depuis 1976. Le lancement du CED, prévu en 1977, fut encore repoussé. À ce moment-là, le disque ne pouvait stocker que 30 minutes de vidéo et ce n’était clairement pas suffisant. Lorsque le premier lecteur CED arriva enfin dans les magazines états-uniens en 1981, la cassette vidéo était déjà bien établie sur le marché d’origine de RCA, les États-Unis.
RCA connut des moments compliqués avec plusieurs changements de direction au cours de la longue période de développement. Dans les années 70, la société dut faire face à une concurrence japonaise de plus en plus forte, se retira du secteur des ordinateurs et connu quelque autres échecs, par exemple la console de jeu Studio II. L’échec coûteux du CED porta le coup de grâce à une entreprise déjà en grandes difficultés.
La société fut dissoute en 1986.
RCA n’a donc pas vu venir l’avènement des vidéocassettes ? Si. RCA vendait même des équipements et des cassettes VHS fabriqués à grande échelle au Japon.
Comment alors expliquer que RCA s’est accrochée bec et ongle à une idée qui la ruinait chaque jour un peu plus ?
Le raisonnement derrière l’acharnement pour la technologie CED : le développement du vidéodisque coûtait certes une petite fortune, mais le produit serait rentable une fois sur le marché. En effet, les feuilles de PVC peuvent être pressées et donc produites à bas prix en grandes quantités. Les bandes magnétiques doivent en revanche être enregistrées individuellement. La production en masse de vinyle s’avère donc beaucoup plus facile et moins onéreuse. Un tourne-disque peut également être produit à un coût relativement faible ; la mécanique est moins complexe que celle de la technologie de la bande magnétique.
C’est aussi vrai. RCA pouvait proposer à la fois les lecteurs et les disques à un prix plus bas que celui de la VHS. Cet avantage n’a néanmoins pas suffi à faire la différence : les gens utilisaient les cassettes vidéo différemment.
D’une part, les programmes de télévision pouvaient être enregistrés sur des cassettes vidéo et même plusieurs fois sur la même cassette. Et surtout, les films n’étaient en général pas achetés du tout, mais simplement empruntés dans les vidéoclubs. On ne regarde de toute façon la plupart des longs métrages qu’une seule fois. Les magasins de vidéos se multipliaient au début des années 80. Cette utilisation multiple d’une cassette signifiait qu’il fallait en produire moins d’exemplaires et qu’elles pouvaient aussi être vendues plus cher.
Ce cuisant échec prouva que l’idée d’un vinyle vidéo était une pure folie. Plus personne n’essaierait de refaire quelque chose comme ça. Deux ans plus tard, en 1983, une société japonaise lança le disque VHD : un disque vidéo en vinyle renforcé de carbone qui devait être enfermé dans une boîte en plastique en raison de sa fragilité.
Un concept plutôt étrange, non ? Ce qui est encore plus étrange, c’est que la société japonaise en question se nommait JVC, la même qui avait réussi à imposer la cassette VHS sur le marché, la technologie même qui venait de tuer le vidéodisque.
Le VHD sera également un échec, mais dans des proportions moins grandes que celui du CED. Sur le plan technologique, le VHD était nettement meilleur et offrait des fonctionnalités telles que les films en 3D et les films interactifs : vous pouviez prendre les décisions et l’histoire progressait différemment en fonction de ces dernières. C’était possible avec le VHD car on pouvait sauter directement à un autre emplacement.
Au cours des années 70, l’industrie japonaise avait très bien réussi à copier ce qui existait et même à l’améliorer. Dans ce cas de figure là, les Japonais sont parvenus à améliorer une technologie qui semblait vouée à l’échec.
Le LaserDisc sortit en 1986. Il n’était alors pas très répandu à cause de son prix très élevé, mais il représentait la technologie de l’avenir. Comme son nom l’indique, les informations sont lues à l’aide d’un rayon laser. Cette technologie révolutionnaire permet alors d’éviter l’usure mécanique que connaît un tourne-disque. Le LaserDisc suit donc le même principe que le CD, le DVD et le Blu-ray par la suite
des supports maintenant rendus obsolètes par les innovations technologiques.
Voici une autre astuce vidéo, qui fait également office de source de référence. Alec raconte l’histoire du CED et de la société RCA en détail sur sa chaîne YouTube Technology Connection. La durée du contenu n’aurait pas tenu sur un côté de CED.
Mon intéret pour l'informatique et l'écriture m'a mené relativement tôt (2000) au journalisme technique. Comment utiliser la technologie sans se faire soi-même utiliser m'intéresse. Dans mon temps libre, j'aime faire de la musique où je compense mon talent moyen avec une passion immense.