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par Philipp Rüegg
Ils ressemblent à « Doom » ou « Duke Nukem 3D » sortis dans les années 90, mais ils sont tout récents. Ces jeux que l’on appelle boomers shooters prolifèrent actuellement. Trois développeurs expliquent pourquoi ils sont plus que de simples hommages à un genre ancien.
« Pas de cinématiques à rallonge, vous vous défoulez sur la gâchette. C’est simple et efficace. » C’est ainsi que le level designer Jason Mojica décrit Prodeus. Ce jeu fait partie de la catégorie des « boomer shooters », un genre qui a le vent en poupe. Il s’inspire visuellement et dans son contenu de jeux de tir vieux d’il y a 30 ans. Et c’est justement ce qui fait son charme : « À l’époque, il y avait moins de distractions. On se cognait la tête contre le mur jusqu’à trouver quoi faire », explique Jason. Prodeus, Project Warlock, Ultrakill et autres combinent le meilleur de deux époques. Je ne peux que lui donner raison. J’ai probablement joué à plus de jeux de tir de ce type l’année dernière qu’au plus fort de leur popularité dans les années 90.
Le nom de ce genre peut sembler contradictoire à première vue. Les baby-boomers ne sont pas la génération qui a le plus joué aux jeux de tir dans les années 90. C’était plutôt la génération X ou la génération Y, c’est-à-dire les millennials comme moi. En outre, le mot boomer a une connotation négative depuis le mème « OK Boomer » qui sert à décrire les personnes bourrées de stéréotypes et qui ne sont plus dans le coup. Arsi Patala, développeur d’Ultrakill, trouve néanmoins le nom parfait : « Il est facile à prononcer et sa signification est claire. ‹Boomer› veut dire vieux, ça ne signifie pas que les baby-boomers sont le public principal. » En outre, Arsi le trouve plus facile à retenir que « throwback shooter » ou « retro FPS ». « Throwback shooter » pourrait aussi désigner Halo qui n’est absolument pas un boomer shooter.
Les boomers shooters se distinguent par leur simplicité. C’est en tout cas l’avis de Kuba Cisło, le créateur de Project Warlock, âgé de 19 ans : « Il s’agit avant tout de s’amuser sans avoir à se plonger dans un gameplay complexe. » Les autres caractéristiques sont des mécaniques telles que la collecte de clés, la découverte de secrets et l’exploration de cartes – et bien sûr des combats rapides et pleins d’action. « Vous devez prendre des décisions spontanées pendant les combats, esquiver et infliger des dommages en même temps. Cela crée une tension permanente, une poussée et une traction », explique Arsi. Son jeu Ultrakill s’inspire le plus de Quake 3 Arena ou de Unreal Tournament.
Ultrakill renonce presque entièrement à la gestion des ressources ou à l’obligation d’explorer. Arsi mise tout sur l’action avec son jeu : « Les niveaux sont des parcours d’obstacles ininterrompus. Nous avons enlevé tout le superflu pour que vous puissiez vous concentrer sur la stratégie à court terme à chaque rencontre et sur l’improvisation du combat. » Les boomer shooters sont réduits à l’essentiel, confirme Jason. « Nous ne sommes pas là pour vous faire perdre votre temps. Nous essayons de maintenir un flux de jeu constant ». Il n’y a donc pas plus de répit dans Prodeus que dans Ultrakill. Le rythme et le principe du jeu s’inspirent toutefois plutôt de Quake 2, un jeu plus lent mais plus sombre.
Les boomer shooters évoquent certes les sensations de Doom, Hexen ou Unreal, mais sous le capot se cache un game design moderne. « Le défi consiste à recréer ces univers et ce sentiment de nostalgie sans en garder les inconvénients », explique Jason, qui a déjà travaillé pour Raven Software. Au portefeuille de cette compagnie de développement, on trouve notamment Heretic, Soldier of Fortune et Quake 4. Quiconque a récemment déterré l’un de ces jeux de tir classiques sait que la plupart d’entre eux ont mal vieilli, que ce soit à cause des graphismes, des niveaux monotones ou de la conception obsolète des armes. C’est pourquoi la plupart des boomer shooters proposent une sorte de système d’amélioration, de perks, de combo ou de magie, comme par exemple Project Warlock. Les ennemis peuvent par exemple être gelés et le bouclier sacré bloque les coups. Les deux fonctionnent en harmonie avec les armes à feu. C’est quelque chose qui n’existait pas sous cette forme auparavant.
« C’est facile de faire une variation légèrement adaptée d’un classique, mais c’est un combat perdu d’avance », Arsi en est convaincu. Il ne faut pas s’attendre à gagner contre des jeux qui ont fait leurs preuves depuis des décennies. Pour réussir, il faut faire mieux qu’une mauvaise copie d’un ancien jeu. « Sinon, vous pouvez aussi bien jouer à l’ancien jeu », explique Arsi. Pour Kuba, le créateur de Project Warlock, la conception des niveaux est l’un des plus grands défis. « C’est vraiment difficile de concevoir un bon niveau. Il doit être bien pensé et bien réalisé. »
Un autre aspect central d’un bon boomer shooter est le graphisme. Les boomer shooters sont reconnaissables au premier coup d’œil. Les pixels et les polygones se substituent au photoréalisme. Les graphismes réduits sont toutefois trompeurs. Ultrakill, Prodeus et Project Warlock se distinguent nettement de leurs ancêtres, que ce soit par des techniques d’éclairage inédites, un design de bande dessinée ou une multitude d’effets qui auraient fait fondre n’importe quel PC 486.
« Je ne suis pas sûr que ce genre de jeux se démodera un jour. Les boomer shooters sont l’essence de ce qui fait un grand jeu de tir », estime Jason, le concepteur de Prodeus. « Une mécanique du jeu simple, facile à apprendre, le fun sans prise de tête. On ne s’en lassera jamais », ajoute Kuba. Pour quelqu’un comme moi, qui joue à ces jeux depuis 30 ans, c’est définitivement le cas. Les boomer shooters me surprennent toujours avec d’anciennes mécaniques réinventées, un design insolite ou simplement un bon coup de nostalgie. La question se pose alors : si les boomers shooters imitent les jeux de tir classiques, comment appellerons-nous les hommages aux boomers shooters dans 20 ans ? Double retro boomer shooters ? New age boomers shooters ? Renaissance shooters ? Ce vertige nostalgique me monte à la tête. Allez, je retourne voir s’il y a du nouveau du côté des boomer shooters.
En tant que fou de jeu et de gadgets, je suis dans mon élément chez digitec et Galaxus. Quand je ne suis pas comme Tim Taylor à bidouiller mon PC ou en train de parler de jeux dans mon Podcast http://www.onemorelevel.ch, j’aime bien me poser sur mon biclou et trouver quelques bons trails. Je comble mes besoins culturels avec une petite mousse et des conversations profondes lors des matchs souvent très frustrants du FC Winterthour.