Point de vue

Cher cinéma, ne nous quitte pas

Luca Fontana
10/12/2020
Traduction : Sophie Boissonneau

Le cinéma se meurt. Peut-être. Nous ne le saurons qu'une fois que la pandémie sera terminée. En attendant, j'ai envie de rendre hommage au grand écran, de parler du prix exorbitant du pop-corn et de ce « nous » qui me manque cruellement.

À quoi bon aller au cinéma s'il n'y a pas de nouveaux films ?

Tout cela, seulement douze mois après l'une des années cinématographiques les plus réussies de tous les temps.

Le cinéma est-il à l'agonie ? J'espère que non. Aucune technologie, qu'elle offre une meilleure qualité d'image et de son ou non, ni aucun canapé ne peut m'offrir ce que le cinéma m'offre.

J'aime le cinéma.

Pourquoi allons-nous au cinéma ?

« Aujourd'hui, je ne vais au cinéma que pour l'expérience en elle-même et pour pouvoir regarder des films le plus tôt possible après leur sortie. Cependant, l'expérience perd peu à peu de son importance, surtout si l'on considère les nouvelles technologies qui sont de plus en plus abordables. »

NeXus-9, mais aussi d'autres lecteurs, affirment que grâce aux technologies HDR, Dolby Vision et Dolby Atmos, la qualité de l'image et du son serait désormais meilleure dans nos salons que dans les salles obscures.

Ils n'ont pas tort. Sauf pour le son, à mon avis. Cependant, cela dépend aussi de la salle de cinéma. Mais peu importe, passons à autre chose. Pour moi, ce n'est de toute façon pas le genre d'émotion cinématographique qui fait la différence. C'est clairement la composante sociale. Demandez-vous : combien de fois êtes-vous allé au cinéma exclusivement pour les aspects technologiques du grand écran ?

Et combien de fois pour une sortie entre amis ? En famille ? Ou pour un rendez-vous amoureux ?

Une activité sociale

Le cinéma crée un sentiment de communauté. Il rapproche les gens. Il nous unit. Au moins pendant ces deux ou trois heures, où des personnes avec des origines, des histoires de vie et des goûts différents se retrouvent pour regarder un film ensemble.

Pendant que le film se déroule à l'écran, nous sommes un groupe.

C'est peut-être aussi l'anticipation. Ou l'excitation qui nous unit tous, au moment d'entrer dans le cinéma, ce palais des sens où l'on trouve pop-corn, glaces et colas hors de prix à profusion. C'est contagieux, ça renforce l'esprit de communauté.

Je pense à de grands moments comme dans Star Wars, épisode II : L'Attaque des clones où un spectateur habillé en Boba Fett est entré l'air de rien dans la salle et a rejoint un groupe de Jedi qu'il ne connaissait pas. Je devais avoir 14 ans. Le film lui-même ne m'a pas autant impressionné que cette scène.

C'est l'esprit de communauté.

Un film invite aussi à la discussion. Pendant l'entracte ou à la fin du film, nous parlons de la performance de Christian Bale dans Le Mans 66 ou bien de la chronologie de l'intrigue dans Tenet. Des inconnus se joignent à la discussion, je prends part aux conversations des autres. J'apprends à connaître des gens que je n'aurais jamais rencontrés dans d'autres circonstances.

La voilà, la communauté.

Réunis autour d'un film

Le sens de communauté ne se limite pas aux moments partagés avant et après le film, il se poursuit pendant la séance. Je m'en souviens comme si c'était hier, quand j'ai vu Rogue One : A Star Wars Story au cinéma. Le moment où Dark Vador allume son sabre laser rouge sang dans le couloir sombre.

Un silence de mort. J'en ai la chair de poule. Puis l'évasion, dans les couloirs blancs du Tantive IV. Et enfin, Leia. « Espoir », dit-elle. Le générique défile alors à l'écran. Et toute la salle applaudit. Personne n'imagine alors la controverse que va créer le visage de l'actrice Carrie Fishers en images de synthèse.

Il y a aussi les deux films précédents d'Avengers. J'ai vu les deux en avant-première. Je ne vous raconte pas l'ambiance dans la salle. Les acclamations, les cris et à la fin même les pleurs. Le Dolby Vision ne remplacera jamais ces émotions. Même s'il y a toujours des imbéciles qui mangent bruyamment leur pop-corn ou chuchotent sans arrêt, comme si toute la salle devait entendre cela.

Peu importent les divisions. Le cinéma unit les spectateurs. Cette composante sociale me manque. Vous avez déjà regardé une comédie seul ? Ennuyeux. La plupart du temps. Au cinéma, même les moins bonnes comédies sont drôles. Tout simplement, parce qu'il y a toujours une ou deux personnes touchées par ce type d'humour. Et je ris alors avec eux. Nous rions tous.

Nous.

Même à l'âge adulte.

Toute la salle était emplie de ce sentiment inexprimé d'amour, d'affection et de compassion les uns pour les autres, défiant tout le cynisme que nous, les adultes, érigeons parfois en mur protecteur. Surtout en période de pandémie, d'isolement et avec une image de l'homme renvoyée par les médias comme un ennemi potentiel parce que potentiellement porteur d'un virus.

Ce n'était plus l'émotion, mais la magie du cinéma.

Ce qui reste, c'est le « nous »

Je ne parle pas pour vous. Ou pour tous les autres. Je parle en mon nom. J'aime les émotions que me transmet une salle de cinéma pleine à craquer. Une sensation que même le plus grand téléviseur 8K OLED avec son surround ne peut pas me donner : la sensation d'être entouré, d'appartenir à une communauté.

Bien sûr, je me sens bien chez moi, sur mon canapé IKEA. J'aime les soirées cocooning Netflix, ma copine dans les bras, avec un verre de vin rouge, une pizza juste sortie du four qui ne coûte pas la peau des fesses et quelques bonbons. Mais le cinéma... Pour moi, c'est plus que l'endroit qui sent toujours si bon le pop-corn.

Pour moi, le cinéma représente la magie de la communauté.

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J’écris sur la technologie comme si c’était du cinéma – et sur le cinéma comme s’il était réel. Entre bits et blockbusters, je cherche les histoires qui font vibrer, pas seulement celles qui font cliquer. Et oui – il m’arrive d’écouter les musiques de films un peu trop fort. 


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