Critique

Test du jeu « Anno 117 » : bâtissez la Rome antique de vos rêves

Samuel Buchmann
10/11/2025
Traduction : Sophie Boissonneau

Plus de six ans après « Anno 1800 », la suite de la série nous parvient enfin. Le dernier volet de la série combine des principes éprouvés et de nouvelles idées pour nous livrer un jeu d’une grande fluidité.

J’admire mon royaume : perché sur une colline, un Colisée surplombe ma capitale. Cette dernière abrite de nobles patriciens, tandis que j’ai déplacé la plèbe dans un hameau de paysans. Mes nobles ne manquent de rien : ils ont des bains, des temples et des bibliothèques. Mes bateaux leur livrent des langues d’oiseaux en aspic, des chars de combat et des capes colorées venant de contrées lointaines. Quelle vie !

Dans Anno 117 : Pax Romana, j’incarne un gouverneur romain fraîchement nommé et envoyé par l’empereur pour développer de nouvelles provinces. Le jeu de stratégie de construction d’Ubisoft Mainz est déjà le huitième titre de la série et cela se voit : après plus de 40 heures de jeu, je n’ai pas grand-chose à lui reprocher.

Une campagne divertissante en guise de hors d’œuvre

La campagne commence par un choix, à savoir se mettre dans les sandales de Marcia ou de Naucratius. L’histoire débute dans le Latium romain, puis m’emmène en terres celtiques dans l’Albion avant de me ramener dans le Latium. Le choix du personnage n’a d’impact que sur les cinématiques, le gameplay reste le même. Cet article ne contient bien sûr aucun spoiler, permettez-moi tout de même de vous suggérer de choisir Marcia, car j’ai testé les deux variantes et ai préféré son histoire.

L’histoire de Marcia aborde la position subordonnée des femmes dans la Rome antique.
L’histoire de Marcia aborde la position subordonnée des femmes dans la Rome antique.

L’ambiance est typique des jeux Anno, candide et adaptée aux enfants. Quant à la campagne, je l’ai trouvée plus intéressante que dans les titres précédents, les cinématiques joliment réalisées y contribuent pour beaucoup. L’histoire n’est pas particulièrement longue, même à un rythme tranquille, je l’ai terminée en six heures environ et elle n’est pas vraiment rejouable. La campagne me donne ainsi l’impression d’être un hors-d’œuvre m’invitant à découvrir progressivement les mécanismes du jeu.

Construire, déconstruire, optimiser

Après l’entrée, vient le plat de résistance, à savoir le mode infini. Ce dernier me permet de choisir la région dans laquelle je m’installe, le Latium ou l’Albion, j’opte pour la première. Comme toujours, les îles, les niveaux de civilisation et les chaînes de production constituent la base du jeu. J’entame le jeu avec une petite réserve de bois qui me permet de construire un petit village avec quelques Liberti, la première classe de citoyenneté. Pour les faire évoluer vers des Plébéiens, je dois leur fournir nourriture, vêtements et services publics.

On peut désormais tracer des routes en diagonale, mais pour débuter, je m’en tiens à la grille de base. C’est moins joli, mais ça me permet d’optimiser l’utilisation de l’espace.
On peut désormais tracer des routes en diagonale, mais pour débuter, je m’en tiens à la grille de base. C’est moins joli, mais ça me permet d’optimiser l’utilisation de l’espace.

Le jeu me laisse libre de décider de la manière de satisfaire ces besoins, certains ont cependant un impact sur les attributs de mon île. Si je nourris mes agriculteurs avec des sardines, par exemple, ils paieront un peu plus d’impôts. Si je leur donne du gruau, mes habitations pourront contenir plus de personnes. Enfin, si je choisis de satisfaire les deux besoins, je profite de tous les bonus. Cela a du sens, surtout pour les deux premiers niveaux de population, car je peux produire tous les biens directement sur mon île.

Une fois que la population évolue vers les niveaux supérieurs, tout devient plus compliqué. Notamment parce que les Plébéiens, les Équites et les Patriciens ont plus de droits, mais aussi parce que les chaînes de production pour répondre à leurs besoins sont bien plus complexes. Pour les sardines, il me suffit de construire une pêcherie. Tandis que pour les lyres de mes Patriciens, je dois extraire de l’or, qu’un forgeron fait fondre en lingots à l’aide de charbon de bois. Un doreur s’en sert ensuite pour décorer la sandaraque avant qu’un fabricant de lyres ne le transforme en instrument. Ce dernier a en plus besoin de cordes, fabriquées par un cordier à partir de tendons de moutons.

Une lyre nécessite trois matières premières et plusieurs étapes de production.
Une lyre nécessite trois matières premières et plusieurs étapes de production.

Bien entendu, je ne trouve pas tous ces biens sur mon île principale, mais dois les importer par bateau depuis d’autres îles, voire de la lointaine Albion. Pour compliquer le tout, toutes les productions ne suivent pas le même rythme. Il faut par exemple quatre minutes à un orpailleur pour trouver suffisamment de pépites pour un chargement de minerai d’or. Il ne faut cependant qu’une minute au forgeron pour faire fondre un chargement, pour éviter que ce dernier ne se retrouve au chômage technique, j’ai donc besoin de quatre orpailleurs par forgeron.

En outre, je dois aussi surveiller sur les statistiques de santé, de bonheur et de sécurité incendie au risque de voir des épidémies, des incendies ou des émeutes se déclarer dans mes villes. L’empereur et d’autres partis demandent également mon attention de temps à autre : ils me réclament des marchandises, me déclarent la guerre ou me proposent des quêtes.

Liberté inhabituelle

Si rien qu’à la lecture de ce test, vous avez le cerveau en compote, laissez-moi vous rassurer : d’une part, la courbe d’apprentissage est douce et je ne me suis presque jamais retrouvé pressé par le temps. Les nouvelles chaînes de production peuvent être mises en place tranquillement, une par une, et je n’ai pas besoin de me concentrer sur dix choses à la fois. J’ai également de nombreuses statistiques à disposition me permettant de garder un œil sur mon île. J’y vois si ma production correspond à peu près à la demande.

D’autre part, le système a gagné en souplesse par rapport aux jeux précédents et me permet de faire l’impasse sur certains biens. Je ne suis par exemple pas obligé d’établir un lien commercial entre le Latium et l’Albion. Je dois alors établir des chaînes de marchandises plus complexes, mais j’évite les délais liés au transport. Ou bien je fais les deux et j’obtiens plus de bonus. L’équipe de développement a si bien équilibré ces décisions que toutes les options se défendent.

Dans l’Albion, je peux soit (comme ici) préserver les traditions celtes, soit romaniser la population. L’échange de biens avec le Latium apporte un bonus, mais n’est pas obligatoire.
Dans l’Albion, je peux soit (comme ici) préserver les traditions celtes, soit romaniser la population. L’échange de biens avec le Latium apporte un bonus, mais n’est pas obligatoire.

Comparé à Anno 1800 et tous ses DLC, j’ai une bonne surprise : je retrouve beaucoup plus facilement le jeu après quelques jours de pause, notamment parce que le volume est plus gérable et que je n’ai pas à me remémorer toutes les productions existantes. En effet, une fois que les chaînes d’approvisionnement fonctionnent, je n’ai plus besoin de les réapprovisionner constamment au fur et à mesure que ma ville s’agrandit. Par exemple, 10 000 Patriciens n’ont pas besoin de beaucoup plus de sardines que 500 Liberti ; les classes supérieures mangent bien quelques poissons, mais elles se nourrissent essentiellement de mets plus nobles.

Dans l’ensemble, Anno 117 s’avère fluide et bien calibré, le niveau de difficulté est gérable. Encore une fois, le jeu s’en tient à sa maxime, « facile à apprendre, difficile à maîtriser ». On peut modifier le niveau de difficulté au besoin. Si, comme moi, vous voulez jouer tranquillement, vous pouvez désactiver les éléments perturbateurs, comme les agaçants pirates. Si, au contraire, vous voulez en découdre, vous pouvez opter pour des ennemis plus avancés.

La religion, la science et la guerre

Les affrontements militaires sont atypiques pour la série Anno, habituellement pacifique, mais il est difficile de s’en passer dans le cadre de la Rome antique. Sur terre comme sur mer, les légions n’hésitent pas à prendre les armes, mis ne vous attendez pas à un Age of Empires, la lenteur de la gestion des troupes me rappelle plutôt Manor Lords. Ainsi, les combats ne sont pas complètement ratés, mais on remarque que le cœur de métier de l’équipe de développement est ailleurs. Personnellement, je préfère donc résoudre les conflits par la force économique.

Même avec le réglage « Discipliné », mes légions sont parfois très obstinées : elles se précipitent bille en tête vers les troupes ennemies et je dois constamment les rappeler à l’ordre.
Même avec le réglage « Discipliné », mes légions sont parfois très obstinées : elles se précipitent bille en tête vers les troupes ennemies et je dois constamment les rappeler à l’ordre.

La religion et l’arbre technologique constituent une autre nouveauté. Ils fonctionnent tous deux selon un principe similaire : les habitations situées dans la zone d’influence d’un sanctuaire augmentent la foi. Plus une ville a de foi, plus je reçois de bonus de ma divinité protectrice, que je peux choisir et changer à tout moment. Par exemple, Cérès bénit mon agriculture et augmente la taille de ma population. Les habitations situées à proximité d’un grammaticus produisent, quant à elles, des connaissances. Ce bâtiment me donne accès à la recherche technologique, par exemple pour augmenter la portée de mon marché. Plus j’avance dans l’arbre technologique, plus la recherche prend du temps.

Cérès fait partie des trois divinités disponibles dès le début. L’arbre de recherche permet d’en découvrir d’autres comme Minerva et Apollon.
Cérès fait partie des trois divinités disponibles dès le début. L’arbre de recherche permet d’en découvrir d’autres comme Minerva et Apollon.

Ces mécanismes permettent d’améliorer considérablement mes métropoles. Pendant les 20 premières heures de jeu, je ne leur ai toutefois accordé que peu d’attention. Je me suis contenté de choisir la première divinité venue pour chaque île et je me suis assuré que la recherche soit toujours en cours. Comme souvent dans Anno 117, libre à moi de décider combien de temps je veux consacrer à l’optimisation. Ainsi, les personnes qui découvrent le jeu ne sont pas dépassées, tandis que les pros ont tout de même de quoi s’amuser.

Joli, mais très coloré

Le Latium et l’Albion sont magnifiques, les deux régions offrent une immense diversité visuelle avec des effets de lumière réalistes. Dans mes rues, les habitants vont et viennent, vaquant à leurs occupations et donnent vie au monde. La bande-son appropriée et discrète y contribue également.

Anno 117 introduit aussi un cycle jour/nuit et des effets météorologiques. Les deux sont également joliment réalisés, mais m’agacent parfois : la nuit est trop sombre à mon goût, les couchers de soleil trop kitsch et la pluie qui tombe souvent à flots sur l’Albion brouille tout. De manière générale, je trouve que les graphismes sont par endroits exagérés et trop colorés. Ils donnent parfois au jeu un aspect comics qui ne colle pas au cadre antique. Heureusement, je ne le remarque que lorsque j’y fais consciemment attention.

En vitesse de jeu normale, une minute en temps réel équivaut à une heure en temps Anno. Je peux aussi désactiver l’alternance jour/nuit et régler une heure fixe.
En vitesse de jeu normale, une minute en temps réel équivaut à une heure en temps Anno. Je peux aussi désactiver l’alternance jour/nuit et régler une heure fixe.

Avec les beaux graphismes, les exigences matérielles augmentent également. Surtout si vous souhaitez profiter du jeu dans toute sa splendeur avec une haute résolution, beaucoup de détails et en raytracing. PC Games Hardware a testé différents systèmes et arrive à la conclusion suivante : Anno 117 a surtout besoin de beaucoup de puissance GPU, les exigences de CPU restent raisonnables. Sur mon PC de test équipé d’une Radeon RX 7900 XTX, d’un Intel Core i5-13600K et de 16 gigaoctets de RAM, j’obtiens 30 fps stables en 4K avec toutes les fioritures, ce qui est suffisant pour un jeu de stratégie.

« Anno 117 : Pax Romana » sort le 13 novembre 2025 sur PC, Xbox Series X/S et PlayStation 5. Le jeu m’a été fourni par Ubisoft pour ce test.

Bilan

« Anno 117 » : veni, vidi, vici

« Anno 117 : Pax Romana » est tout ce que j’attendais. Le cadre antique a tout pour me plaire, la campagne est courte, mais divertissante, le gameplay est facile à apprendre, mais difficile à maîtriser. Le sentiment d’addiction bien connu s’installe rapidement : après plus de 40 heures de jeu, j’ai toujours l’envie irrépressible de commencer une nouvelle map pour bâtir une ville encore plus belle et efficace.

Tous les détails sont bien pensés et le jeu est équilibré. Les nombreuses fonctions de qualité de vie me permettent de me concentrer sur quelques aspects passionnants du jeu comme l’aménagement de ma ville, un approvisionnement efficace et l’expansion de mon empire. Les nouvelles mécaniques me contraignent à prendre des décisions intéressantes. Ubisoft Mainz ne m’impose jamais un style de jeu particulier, mais me présente diverses options comportant chacune des avantages et des inconvénients.

Je n’ai que deux petites critiques. Premièrement, le Latium et l’Albion sont certes jolies et vivantes, mais les couleurs sont un peu trop vives à mon goût. J’aurais préféré une ambiance plus sérieuse. Enfin, je n’apprécie guère le système de combat qui reste assez lent. Ces deux bémols ne suffisent toutefois pas à ternir mon impression générale. « Pax Romana » est pour moi le meilleur « Anno » de tous les temps.

Pro

  • un cadre superbe, de jolis graphismes
  • un jeu exceptionnellement fluide
  • beaucoup de liberté
  • peu de tâches barbantes
  • de nouvelles mécaniques intéressantes
  • un équilibre quasi parfait

Contre

  • un peu trop « amusant »
  • des couleurs et un style trop tapageurs
  • un système de combat lent
Ubisoft Anno 117: Pax Romana (PS5, DE, FR, IT)
Jeu vidéo
−10%
Nouveau
CHF52.90 avant CHF59.–

Ubisoft Anno 117: Pax Romana

PS5, DE, FR, IT

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Mon empreinte digitale change régulièrement au point que mon MacBook ne la reconnaît plus. Pourquoi ? Lorsque je ne suis pas assis devant un écran ou en train de prendre des photos, je suis probablement accroché du bout des doigts au beau milieu d'une paroi rocheuse. 


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