En coulisse

Quand les améliorations des appareils audio haut de gamme n’apportent plus rien

David Lee
7/8/2023
Traduction : Stéphanie Klebetsanis

Les meilleurs appareils coûtent extrêmement cher, surtout dans le domaine de l’audio. Ce n’est pas un problème en soi, tant qu’on entend la différence. Mais avec les progrès technologiques, c’est de moins en moins le cas, et notre cerveau finit par nous jouer des tours.

Il existe des casques d’écoute à cinq francs suisses. Si on est prêt à débourser un peu plus, on obtient déjà une qualité nettement supérieure. Et lorsqu’on augmente encore notre budget, disons à 150 francs suisses, le son commence à être vraiment bien. À 500 francs aussi, et à 2000 francs suisses, etc, etc.

Bienvenue dans le haut de gamme : là où les prix s’envolent. Mais quelle est la performance de ces articles hors de prix ?

En général (et pas seulement pour les produits audio), la performance n’augmente pas en fonction du prix. Dans la catégorie supérieure, le prix augmente au contraire de manière disproportionnée par rapport au résultat. Sur un graphique, la courbe ressemble à peu près à ça :

Cela signifie tout simplement que les produits haut de gamme ont généralement un moins bon rapport qualité-prix que les produits de milieu de gamme, ce dont se fiche leur public cible. Ceux qui veulent du haut de gamme et qui en ont les moyens le savent et l’acceptent. Après tout, on est prêt à tout quand on aime ; et la musique est la plus grande et la plus longue histoire d’amour de bien des gens.

Jusqu’ici, tout va bien. Si le casque à 2000 francs suisses sonne un tout petit mieux que celui à 500 francs et que son acheteur trouve qu’il en vaut la peine, où est le problème ?

Des améliorations inaudibles

Si vous pensez encore que ce n’est pas suffisant, vous pouvez obtenir le quadruple (384 kHz), à un prix ridicule.

Lors de l’évaluation d’un DAC, le taux d’échantillonnage n’est qu’un facteur parmi d’autres. Cela dit, on pourrait dire la même chose de la profondeur de bits et d’autres caractéristiques. Aujourd’hui, aucun DAC ne fournit une piètre qualité sonore. Pour cette catégorie d’appareils, j’adapterais mon diagramme prix/performance comme ceci :

Les avantages des articles plus chers ne peuvent être ni confirmés ni réfutés

L’affaire est close, non ? Eh bien pas du tout !

Comme toujours, on peut choisir les études scientifiques qui correspondent à notre point de vue personnel, et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles ces discussions ne finissent jamais.

Prouver que quelque chose n’apporte rien est impossible. Même si l’argumentation est très solide, quelqu’un peut toujours prétendre qu’il (ou, beaucoup plus rarement, elle) entend tout de même une différence.

Et la personne sera sincère, car celles qui affirment entendre une différence ont tendance à dire la vérité.

Fions-nous à nos oreilles ?

Derrière des indications techniques simples comme « 96 kHz » se cachent des caractéristiques techniques difficiles à comprendre pour les profanes, et le manque de connaissances approfondies mène souvent à de fausses hypothèses. Il semble donc logique et raisonnable de se fier à sa propre audition. En fin de compte, l’important, c’est de savoir si les sons que je perçois sont de meilleure qualité ou pas, non ?

Eh bien non, ce n’est pas si simple que ça, car nous n’entendons pas seulement avec nos oreilles, mais aussi avec notre cerveau. Celui-ci complète les informations manquantes ou en invente. Lorsque vous entendez un mot différent de celui que votre interlocuteur a prononcé, c’est que votre cerveau a mal complété quelque chose.

Voilà pourquoi les chercheurs travaillent avec des tests en aveugle, c’est pour éliminer l’effet placebo. Parfois, ils mènent même des études en double aveugle. Dans ce cas, la personne qui guide les sujets ne sait pas non plus qui est testé. On procède de cette manière, car ces connaissances pourraient influencer inconsciemment leur comportement, et donc les sujets.

Chez moi, je ne peux pas effectuer un test en aveugle, puisque je sais quel casque je porte. Pour comparer deux DAC en aveugle, je devrais avoir deux appareils sources et deux casques identiques, et diffuser la même musique simultanément sur les deux systèmes. Et même là, je sais quels appareils je compare, et quelles sont leurs promesses.

La psychologie auditive, un commutateur de réseau audiophile

Les deux comptes rendus de test cités rapportent aussi une préoccupation obsessionnelle pour l’équipement et des contacts avec le fabricant. L’un des testeurs s’est laissé amadouer durant une longue conversation téléphonique. C’est l’inverse d’un test à l’aveugle, puisqu’on prépare soigneusement le cerveau à ce à quoi il doit s’attendre. Ceux qui testent de cette manière ne peuvent pas dire qu’ils se fient seulement à leur ouïe !

Même dans les tests à l’aveugle de Linus, deux et trois sujets sur dix indiquent entendre une différence. 80 % préfèrent le commutateur non modifié à 30 dollars au commutateur audiophile à 800 dollars. Le simple fait de savoir qu’un élément censé améliorer la qualité a été activé fait qu’on entend un changement.

Le problème des fabricants haut de gamme

Lorsque les différences clairement audibles disparaissent, elles laissent la place aux facteurs psychologiques. Les fabricants d’appareils audio haut de gamme sérieux sont donc confrontés à deux problèmes. Premièrement, tous leurs efforts n’apportent aucune valeur ajoutée clairement perceptible. Même si la performance mesurable est meilleure que celle de la concurrence moins chère, elle n’est plus perceptible.

Deuxièmement, l’effet d’un tel produit ne peut plus être distingué de celui de produits douteux, et ce n’est pas ce qui manque sur le marché ! La réputation du secteur du haut de gamme en prend un coup. J’ai donc dessiné une troisième version de mon schéma prix-performance. Prenez-la avec des pincettes :

On voit que ce sont justement les produits les plus performants qui sont confondus avec les plus douteux. Ironique, non ? Pas étonnant que le sujet soit si controversé !

D’ailleurs, je teste actuellement un DAC de RME Audio coûteux. Le fabricant me semble très sérieux, et j’entends effectivement une différence par rapport à mon DAC à 70 francs suisses, mais là encore, ce n’est pas en test en aveugle. Mon cerveau invente-t-il une différence ? Je vous tiendrai au courant quand j’en saurai plus.

Photo d’en-tête : amplificateurs et haut-parleurs au BAV Hi-End Show, à Bangkok. Les Kharma Enygma Veyron 2 Diamond aux bords de l’image, à gauche et à droite, coûtent 375 000 euros. Source : Shutterstock/Brostock

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Mon intéret pour l'informatique et l'écriture m'a mené relativement tôt (2000) au journalisme technique. Comment utiliser la technologie sans se faire soi-même utiliser m'intéresse. Dans mon temps libre, j'aime faire de la musique où je compense mon talent moyen avec une passion immense. 


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